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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 3.djvu/119

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La vieille obéit à regret et en grondant, ainsi qu’un chien à qui l’on ôte sa proie, déposa l’os sur l’une des pierres saillantes de l’entrée de la grotte, et s’approcha en s’essuyant les lèvres.

– Fais du feu sous la cuve d’airain, — dit la prêtresse à la vieille.

Celle-ci retourna dans la caverne, en rapporta d’une main quelques brandons enflammés. Bientôt un ardent brasier brûla sous la chaudière.

— Maintenant, — dit Elwig à la vieille en me montrant, étendu que j’étais toujours à terre, aux pieds de la divinité infernale, les mains liées derrière le dos et les jambes attachées,

— Agenouille-toi sur lui.

Je ne pouvais faire un mouvement ; la hideuse vieille se mit à genoux sur la cuirasse dont ma poitrine était couverte, et dit à la prêtresse :

– Que faut-il faire ?

– Tiens-lui la langue… je la lui couperai.

Je compris alors qu’Elwig, d’abord entraînée à de dangereuse confidences par sa sauvage convoitise, se reprochant d’avoir inconsidérément parlé de ses horribles amours et de ses projets fratricides, ne trouvait pas de meilleur moyen de me forcer au silence envers son frère qu’en me coupant la langue. Je crus ce projet facile à concevoir, mais difficile à exécuter, car je serrai les dents de toutes mes forces.

– Serre-lui le cou, — dit Elwig à la vieille ; — il ouvrira la bouche, tirera la langue, et je la couperai.

La vieille, toujours agenouillée sur ma cuirasse, se pencha si près de moi, que son hideux visage touchait presque le mien. De dégoût je fermai les yeux ; bientôt je sentis les doigts crochus et nerveux de la suivante de la prêtresse me serrer la gorge. Pendant quelques instants, je luttai contre la suffocation et ne desserrai pas les dents ; mais enfin, selon qu’Elwig l’avait prévu, je me sentis prêt à étouffer et j’ouvris malgré moi la bouche. Elwig y plongea aussitôt ses doigts