Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 3.djvu/128

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– Va demander aux Romains, dont l’armée était plus nombreuse que la tienne, combien la vieille terre des Gaules a dévoré de cohortes étrangères ! Les plus grandes batailles qu’ils aient livrées, ces conquérants du monde, ne leur ont pas coûté le quart de soldats que nos pères, esclaves insurgés, ont exterminés à coups de faux et de fourche… Prends garde ! prends garde !… quand il défend son sol, son foyer, sa famille, sa liberté, bien forte est l’épée du soldat gaulois… bien tranchante est la faux, bien lourde est la fourche du paysan gaulois !… Prenez garde ! prenez garde ! si vous restez mauvais voisins, la faux et la fourche gauloises suffiront pour vous chasser dans vos neiges, gens de paresse, de rapine et de carnage, qui voulez jouir du travail, du sol, de la femme et du soleil d’autrui, de par le vol et le massacre !

– Et c’est toi, chien gaulois, qui oses parler ainsi ? — s’écria Néroweg en grinçant les dents, — toi, prisonnier ! toi, sous la pointe de nos épées !…

– Le moment me paraît bon, à moi, pour dire ceci.

– Et le moment me paraît bon, à moi, pour te faire souffrir mille morts ! — s’écria le chef frank, non moins furieux que ses compagnons. — Oui, tu vas souffrir mille morts… Après quoi, ma seule réponse à l’audacieux messager de ta Victoria sera de lui envoyer ta tête, et de lui faire dire de ma part, à moi Néroweg, l’Aigle terrible, puisqu’elle est belle encore, ta Victoria la Grande, qu’avant que le soleil se soit levé six fois, j’irai la prendre au milieu de son camp, qu’elle partagera mon lit, et qu’après je la livrerai à mes hommes pour qu’ils s’amusent à leur tour de Victoria, la grande et fière Gauloise.

À cette féroce insolence, dite sur la femme que je vénérais le plus au monde, j’ai perdu, malgré moi, mon sang-froid ; j’étais désarmé, mais j’ai ramassé à mes pieds l’un des tisons alors éteints, dont les Franks s’étaient servis pour me torturer. J’ai saisi cette lourde bûche, et j’en ai si rudement frappé Néroweg à la tête, qu’étourdi du coup,