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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 3.djvu/137

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et un autre soldat, attirés par le bruit de la lutte, s’élançaient sur le rivage.

– Scanvoch — me dit Douarnek, — nous n’avons pas, selon tes ordres, regagné notre camp au soleil couché ; nous sommes restés à notre ancrage, décidés à t’attendre jusqu’au jour ; mais, pensant que peut-être tu viendrais à un autre endroit du rivage, nous l’avons longé, retournant de temps à autre à notre point de départ ; c’est à l’un de ces retours que nous avons entendu ton appel, et, il n’y a qu’un instant, le bruit d’une lutte ; nous avons débarqué pour venir à ton aide. Ce matin, lorsque nous t’avons vu enveloppé par ces diables noirs, notre premier mouvement a été de ramer droit à terre et d’aller nous faire tuer à tes côtés… mais je me suis rappelé tes ordres, et nous avons réfléchi que, nous faire tuer, c’était t’ôter tout moyen de retraite… Enfin, te voici : crois-moi, regagnons le camp. Mauvais voisinage est celui de ces écorcheurs.

Pendant que Douarnek m’avait ainsi parlé, Elwig s’était jetée sur le corps de Riowag en poussant des rugissements de fureur mêlés de sanglots déchirants. Si détestable que fût cette créature, son accès de douleur me toucha… Je m’apprêtais à lui parler, lorsque Douarnek s’écria :

– Scanvoch, vois-tu au loin ces torches ?

Et il me montra, dans la direction du camp des Franks, plusieurs lueurs rougeâtres qui semblaient approcher avec rapidité.

– On s’est aperçu de ta fuite, Elwig, — lui dis-je en tâchant de l’arracher du corps de son amant qu’elle tenait étroitement embrassé en redoublant ses cris ; — ton frère est à ta poursuite… il n’y a pas un instant à perdre… viens ! viens !…

– Scanvoch, — me dit Douarnek pendant que j’essayais en vain d’entraîner Elwig qui ne me répondait que par des sanglots, — ces torches sont portées par des cavaliers… Entends-tu leurs hurlements de guerre ? entends-tu le rapide galop de leurs chevaux ?… Ils ne sont plus à six portées de flèche de nous… J’ai fait échouer notre barque