Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 3.djvu/177

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leur tendre autre chose que la main pour les aider à aborder. Grande vanité d’ailleurs pour eux d’aborder en ce lieu, puisqu’ils n’y trouveraient plus ni réserve, ni camp, ni chariots.

– Marion, — reprit ma sœur de lait après avoir attentivement écouté le capitaine, — le gain de la bataille est certain, si vous exécutez ce plan avec votre bravoure et votre sang-froid ordinaires.

– J’ai bon espoir, car mon ami Eustache m’a dit d’un ton encore plus hargneux que d’habitude : « Il n’est point déjà si sot, ton projet, il n’est point déjà si sot. » Or, l’approbation d’Eustache m’a toujours porté bonheur.

– Victoria, — dit à demi-voix Tétrik, — ne pouvant contraindre davantage son anxiété, — je ne suis pas homme de guerre… j’ai une confiance entière dans le génie militaire de votre fils ; mais de moment en moment un ennemi qui nous est deux ou trois fois supérieur en nombre s’avance contre nous… et Victorin ne décide rien, n’ordonne rien !

— Il vous l’a dit avec raison : Avant d’agir il faut penser, — répondit Victoria. Ce calme réfléchi… au moment du péril, est d’un homme sage… N’est-il pas insensé de courir en aveugle au-devant du danger ?

Soudain Victorin frappa dans ses mains, sauta au cou de sa mère, qu’il embrassa en s’écriant :

– Ma mère… Hésus m’inspire… Pas un de ces barbares n’échappera, et pour longtemps la paix de la Gaule sera du moins assurée… Ton projet est excellent, Marion… il se lie à mon plan de bataille comme si nous l’avions conçu à nous deux.

– Quoi ! tu m’as entendu ? — dit le capitaine étonné, — moi qui te croyais absorbé dans tes réflexions !

– Un amant, si absorbé qu’il paraisse, entend toujours ce qu’on dit de sa maîtresse, mon brave Marion, — répondit gaiement Victorin ; — et ma souveraine maîtresse, à moi… c’est la guerre !

– Encore cette peste de luxure ! — me dit à demi-voix le capi-