Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 3.djvu/181

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vanité de ses calomnies contre Victorin (car malgré la doucereuse habileté de sa défense, je soupçonnais toujours Tétrik) ? je ne sais ; mais sa figure livide, altérée, devenait de plus en plus méconnaissable… Sans doute de mauvaises passions, qu’il avait intérêt à cacher, l’animaient alors ; car, après le départ des chefs de légions, la mère des camps s’étant retournée vers le gouverneur, celui-ci tâcha de reprendre son masque de douceur habituelle, et dit à Victoria en s’efforçant de sourire :

– Vous et votre fils, vous êtes doués de magie… Selon ma faible raison, rien n’est plus inquiétant que cette approche de l’armée franque, dont vous ne semblez pas vous soucier, délibérant aussi paisiblement ici que si le combat devait avoir lieu demain… Et pourtant votre tranquillité, en de pareilles circonstances, me donne une aveugle confiance…

– Rien de plus naturel que notre tranquillité, — reprit Victorin ; — j’ai calculé le temps nécessaire aux Franks pour achever de traverser le Rhin, de débarquer leurs troupes, de former leurs colonnes, et d’arriver à un passage qu’ils doivent forcément traverser… Hâter mes mouvements serait une faute, ma lenteur me sert.

Puis, s’adressant à moi, Victorin me dit :

– Scanvoch, va t’armer ; j’aurai des ordres à te donner après avoir conféré avec ma mère.

– Tu me rejoindras avant que d’aller retrouver mon fils sur le champ d’exercice, — me dit à son tour Victoria ; — j’ai aussi, moi, quelques recommandations à te faire.

– J’oubliais de te dire une chose importante peut-être en ce moment, — ai-je repris. — La sœur d’un des rois franks, craignant d’être mise à mort par son frère, est venue hier du camp des barbares avec moi.

– Cette femme pourra servir d’otage, — dit Tétrik, — il faut la garder étroitement comme prisonnière.

– Non, — ai-je répondu au gouverneur, — j’ai promis à cette