Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 3.djvu/238

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rant furieux, la bohémienne a disparu ; et bientôt après, le bruit de son chariot m’apprenait sa fuite… Dans mon désespoir, je n’ai pas songé à la poursuivre… Je venais de tuer Ellèn à côté du berceau de mon fils… Ellèn, ma pauvre et bien-aimée femme !…

En disant ces mots, je n’ai pu m’empêcher de pleurer encore… Sampso et Victoria gardaient le silence.

— C’est un abîme ! — reprit la mère des camps, — un abîme où ma raison se perd … Le crime de mon fils est grand… son ivresse, loin de l’excuser, le rend plus honteux encore… et cependant, Scanvoch, tu ne sais peut-être pas combien ce malheureux enfant t’aimait…

— Ne me dites pas cela, Victoria, — ai-je murmuré en cachant mon visage entre mes mains, — ne me dites pas cela… mon désespoir ne peut être plus affreux !…

— Ce n’est pas un reproche, mon frère, — a repris Victoria. — Moi, témoin du crime de mon fils, je l’aurais tué de ma main, pour qu’il ne déshonorât pas plus longtemps et sa mère et la Gaule qui l’a choisi pour chef… Je te rappelle l’affection de Victorin pour toi, parce que je crois que, sans son ivresse et je ne sais quelle machination ténébreuse, il n’eût pas commis ce forfait…

— Et moi, ma sœur, cette trame infernale, je crois la saisir…

— Toi ?…

— Avant la grande bataille du Rhin une calomnie infâme a été répandue contre Victorin. L’armée s’éloignait de lui… est-ce vrai ?

— C’est vrai…

— La victoire de ton fils lui avait ramené l’affection des soldats… Voici qu’aujourd’hui cette ancienne calomnie devient une terrible réalité… Le crime de Victorin lui coûte la vie… ainsi qu’à son fils : sa race est éteinte, un nouveau chef doit être donné à la Gaule, est-ce vrai ?

— Oui.

— Ce soldat inconnu, mon compagnon de route, en me révélant