Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 3.djvu/239

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

cette nuit qu’un crime se commettait dans ma maison, ne savait-il pas que si je n’arrivais pas à temps pour tuer Victorin dans le premier accès de ma rage, il serait massacré par les troupes soulevées contre lui à la nouvelle de ce forfait ?

— Et ce forfait, — dit Sampso, — comment l’armée l’a-t-elle connu sitôt, puisque personne encore n’avait pu sortir de cette maison ?…

La mère des camps, frappée de cette réflexion de Sampso, me regarda. Je continuai :

— Quel est l’homme, Victoria, qui, arrachant de vos bras votre petit-fils, l’a tué à vos pieds ? Encore ce soldat inconnu !

— C’est vrai… — répondit Victoria pensive, — c’est vrai…

— Ce soldat a-t-il cédé à un emportement de fureur aveugle contre cet innocent enfant ? Non… Il a donc été l’instrument d’une ambition aussi ténébreuse que féroce… Un seul homme avait intérêt au double meurtre qui vient d’éteindre votre race, ma sœur… car votre race éteinte, la Gaule doit choisir un nouveau chef… Et l’homme que je soupçonne, l’homme que j’accuse veut depuis longtemps gouverner la Gaule !…

— Son nom ? — s’écria Victoria en attachant sur moi un regard plein d’angoisse, — le nom de cet homme que tu soupçonnes, que tu accuses ?…

— Son nom est Tétrik, oui, Tétrik, gouverneur de Gascogne, et votre parent, ma sœur…

Pour la première fois, Victoria, depuis que je lui avais exprimé mes doutes sur son parent, sembla les partager ; elle jeta les yeux sur son fils avec une expression de pitié douloureuse, baisa de nouveau et à plusieurs reprises son front glacé ; puis, après quelques instants de réflexion profonde, elle prit une résolution suprême, se releva, et me dit d’une voix ferme :

— Où est Tétrik ?

— Il attend au dehors avec le capitaine Marion.