Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 3.djvu/267

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Eustache : « À qui en as-tu ?… Au moins on s’explique… T’ai-je chagriné sans le vouloir ? » Mais je parlais aux arbres… le pauvre fou avait disparu… laissant son épée près de moi, autre signe de folie… puisque cette arme, remarque ceci… Scanvoch, puisque… cette arme portait sur la lame : Cette épée a été forgée par Marion… pour… son cher ami… Eustache…

Telles ont été les dernières paroles intelligibles de ce bon et brave soldat. Quelques instants après, il expirait en prononçant des mots incohérents, parmi lesquels revenaient souvent ceux-ci :

Eustache… fuite… sauve-le…

Lorsque Marion eut rendu le dernier soupir, j’ai, en hâte, regagné Mayence pour tout raconter à Victoria, sans lui cacher que je soupçonnais de nouveau Tétrik de n’être pas étranger à cette trame, qui, ayant déjà enveloppé Victorin, son fils et Marion, laissait vacant le gouvernement de la Gaule. Ma sœur de lait, quoique désolée de la mort de Marion, combattit mes défiances au sujet de Tétrik ; elle me rappela que moi-même, plus de trois mois avant ce meurtre, frappé de l’expression de haine et d’envie qui se trahissait sur la physionomie et dans les paroles de l’ancien compagnon de forge du capitaine, je lui avais dit à elle, Victoria, devant Tétrik, — « que Marion devait être bien aveuglé par l’affection pour ne pas reconnaître que son ami était dévoré d’une implacable jalousie. » En un mot, Victoria partageait cette croyance du bon Marion : que le crime dont il venait d’être victime n’avait d’autre cause que la haineuse envie d’Eustache, poussée jusqu’au délire par la récente élévation de son ami ; puis enfin, singulier hasard, ma sœur de lait recevait ce jour-là même de Tétrik, alors en route pour l’Italie, une lettre dans laquelle il lui apprenait que, sa santé dépérissant de plus en plus, les médecins n’avaient vu pour lui qu’une chance de salut : un voyage dans un pays méridional ; il se rendait donc à Rome avec son fils.

Ces faits, la conduite de Tétrik depuis la mort de Victorin, ses lettres touchantes et les raisons irréfutables, je l’avoue, que me don-