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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 3.djvu/28

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pierre, et vit Banaïas seul, à l’entrée d’une arcade assez étroite que les soldats devaient traverser pour se rendre chez le gouverneur, leur barrant audacieusement le passage, en faisant tournoyer autour de lui son long bâton terminé par une masse de fer.

— Ah ! celui-là, du moins, n’abandonne pas celui qu’il appelait son ami ! — pensa Geneviève.

— Par les épaules de Samson, — criait Banaïas de sa voix retentissante, — si vous ne mettez pas sur l’heure notre ami en liberté, miliciens de Belzébuth ! je vous bats aussi dru que le fléau bat le blé sur l’aire de la grange !… Ah ! si j’avais eu le temps de rassembler une bande de compagnons aussi résolus que moi à défendre notre ami de Nazareth, c’est un ordre que je vous adresserais au lieu d’une simple prière, et cette simple prière, je la répète : Laissez libre notre ami, ou sinon, par la mâchoire dont se servit Samson, je vous assomme tous comme il a assommé les Philistins !

— Entendez-vous ce scélérat ? Il appelle cette audacieuse menace une prière ! — s’écria l’officier commandant les miliciens, qui se tenait prudemment au milieu de sa troupe ; — percez ce misérable de vos lances… Frappez-le de vos épées s’il ne livre passage !

Les miliciens de Jérusalem n’étaient pas une troupe très-vaillante, car ils avaient hésité avant d’oser arrêter Jésus qui s’avançait vers eux, seul et désarmé ; aussi, malgré les ordres de leur chef, ils restèrent un moment indécis devant l’attitude menaçante de Banaïas. En vain Jésus, dont Geneviève entendant la voix douce et ferme, tâchait d’apaiser son défenseur et le suppliait de se retirer. Banaïas reprit d’un ton plus menaçant encore, répondant ainsi aux supplications du jeune maître :

— Ne t’occupe pas de moi, notre ami : tu es un homme de paix et de concorde ; moi, je suis un homme de violence et de bataille. Lorsqu’il faut protéger un faible ! laisse-moi faire… J’arrêterai ici ces mauvais soldats, jusqu’à ce que le bruit du tumulte ait averti et fait accourir mes compagnons ; et alors, par les cinq cents concubines de