dont je te parle, mon enfant, je m’occupais, t’ai-je dit, avec ta seconde mère, des préparatifs de notre voyage ; nous avions besoin d’un coffre ; j’allai en chercher un dans une salle basse, séparée par une cloison du réduit habité par Mora. Plus de la moitié de la nuit était écoulée ; en entrant dans la salle basse, je remarquai, non sans étonnement, à travers les fentes de la cloison qui séparait la chambre de la servante, une vive clarté. Pensant que peut-être le feu avait pris au lit de cette femme pendant son sommeil, je m’empressai de regarder à travers l’écartement des planches ; quelle fut ma surprise ! je vis Mora se mirant dans un petit miroir d’argent, à la clarté des deux lampes dont la lumière venait d’attirer mon attention !… Mais ce n’était plus Mora la Moresque ! ou du moins la couleur bronzée de ses traits avait disparu… je la revoyais pâle et brune, coiffée d’un riche bandeau d’or orné de pierreries, souriant à son image reproduite dans le miroir. Elle attachait à l’une de ses oreilles un long pendant de perles… elle portait enfin un corset de toile d’argent et un jupon écarlate.
Je reconnus Kidda la bohémienne.
Hélas ! je ne l’avais vue qu’une fois… à la clarté de la lune ; lors de cette nuit fatale où, rappelé en toute hâte à Mayence par un sinistre avertissement de mon mystérieux compagnon de voyage, j’avais tué dans ma maison Victorin et ma bien-aimée femme Ellèn !
À ma stupeur succéda la rage… un horrible soupçon traversa mon esprit ; je fermai en dedans la porte de la salle basse ; d’un violent coup d’épaule, car la fureur centuplait mes forces, j’enfonçai une des planches de la cloison, et je parus soudain aux yeux de la bohémienne épouvantée. D’une main, je la jetai à genoux ; de l’autre, je saisis une des lourdes lampes de fer, et la levant au-dessus de la tête de cette femme, je m’écriai :
— Je te brise le crâne… si tu n’avoues pas tes crimes.
Kidda crut lire dans mon regard son arrêt de mort… elle devint livide et murmura :