Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 3.djvu/333

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— Alors, pourquoi disait-il ces paroles : « Malheureux que je suis ! resté seul sans parents pour me secourir si l’adversité venait ? »

— Pourquoi ? autre ruse sanglante, car « ce n’était point que Clovis s’affligeât de la mort de ses parents qu’il avait fait égorger… non, il parlait ainsi par ruse, afin de savoir s’il avait encore là quelque parent, afin de le tuer… »

— Et il ne s’est pas trouvé un homme, un homme ! pour planter un poignard dans le cœur de ce monstre !…

— Taisez-vous, méchant enfant ; voici la seconde fois que vous prononcez ces paroles de meurtre et de vengeance… Vous ne savez qu’imaginer pour m’effrayer.

— Ma chère femme, notre fils Karadeuk est indigné, comme nous tous, des crimes de ce roi frank… Par les os de nos pères ! moi qui ne suis pas aventureux, je dis : Oui, c’est une honte pour la Gaule qu’un pareil monstre ait, pendant quatorze ans, régné sur notre pays… moins notre Bretagne, heureusement.

— Et moi, qui dans mon métier de colporteur ai parcouru la Gaule d’un bout à l’autre, et vu ses misères et son sanglant esclavage, je dis que ceux-là, qu’il faut aussi poursuivre d’une haine implacable, ce sont les évêques !… N’ont-ils pas appelé les Franks en Gaule ? n’ont-ils pas baptisé ce meurtrier couronné fils de l’Église de Rome ? n’ont-ils pas songé à béatifier ce monstre sous l’appellation de saint Clovis ? n’ont-ils pas dit, eux, Gaulois, en parlant de ce pillard, de cet égorgeur : « Le roi Clovis, qui confessa l’indivisible trinité, dompte les hérétiques par l’appui qu’elle lui prête, et étend son pouvoir sur toute la Gaule ? » N’ont-ils pas dit, eux, prêtres du Christ, en parlant des meurtres, des fratricides de ce roi : « Chaque jour Dieu faisait ainsi tomber les ennemis de Clovis sous sa main, et étendait son royaume, parce qu’il marchait avec un cœur pur devant lui, et faisait ce qui était agréable aux yeux du Seigneur ? »