Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 3.djvu/39

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l’un des deux émissaires. — Comment se fait-il que nous autres Hébreux, nous nous montrions plus dévoués que toi au pouvoir de l’empereur, ton maître ?… Comment se fait-il que ce soit nous autres Hébreux, qui demandions la mort du séditieux qui veut renverser l’autorité romaine, et que ce soit toi, gouverneur pour Tibère, qui veuilles gracier ce séditieux ?…

Cette apostrophe parut d’autant plus troubler Ponce-Pilate, que de tous côtés on cria dans la foule :

— Oui, oui… ce serait trahir l’empereur que de délivrer le Nazaréen !

— Ou prouver peut-être que l’on est son complice.

Ponce-Pilate, malgré le désir qu’il avait peut-être de sauver le jeune maître de Nazareth, parut de plus en plus troublé de ces reproches partis de la foule, reproches qui mettaient en doute sa fidélité à l’empereur Tibère[1]. Il alla vers les pharisiens et s’entretint avec eux à voix basse, tandis que les miliciens gardaient toujours au milieu d’eux Jésus garrotté.

Alors, Caïphe, prince des prêtres, reprit tout haut en s’adressant à Pilate, afin d’être entendu de la foule et en montrant Jésus :

« — Nous avons trouvé que cet homme pervertit notre nation, qu’il l’empêche de payer le tribut à César, et qu’il se dit le roi des Juifs comme étant le fils de Dieu[2]. »

Alors, Ponce-Pilate, se tournant vers le jeune maître de Nazareth, lui dit :

— Êtes-vous roi des Juifs ?

« — Dites-vous cela de vous-même ? » — répondit Jésus d’une voix affaiblie par la souffrance, — « ou bien me le demandez-vous parce que d’autres vous l’ont dit avant moi ? »

  1. « Ponce-Pilate était fonctionnaire public (fait très-judicieusement observer M. Dupin) ; il tenait à sa place : il fut intimidé par les cris qui mettaient en doute sa fidélité à l’empereur, il craignit une destitution, il céda. » (Jésus devant Caïphe, p. 105, par Dupin aîné.)
  2. Évangile selon saint Luc, ch. XXIII, v. 1, 3.