Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 3.djvu/61

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tête appesantie… Une dernière lueur illumina son céleste regard, un sourire navrant contracta ses lèvres, et il murmura d’une voix éteinte :

— « Seigneur !… Seigneur ! ayez pitié de moi ! »

Puis sa tête retomba sur sa poitrine… l’ami des pauvres et des affligés avait cessé de vivre !

Geneviève s’agenouilla et fondit en larmes. À ce moment elle entendit une voix s’écrier derrière elle :

— La voici, l’esclave fugitive ! Oh ! j’étais certain de la retrouver sur les traces de ce maudit Nazaréen, dont on vient enfin de faire bonne justice. Saisissez-la ! liez-lui les mains derrière le dos ; oh ! cette fois, ma vengeance sera terrible.

Geneviève se retourna et vit son maître, le seigneur Grémion.

— Maintenant, — dit Geneviève, — je peux mourir… puisqu’il est mort, celui-là qui avait promis aux esclaves de briser leurs fers…………………………

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Geneviève, quoiqu’elle ait eu à endurer les plus cruels traitements de la part de son maître, Geneviève n’est pas morte, puisqu’elle a écrit ce récit pour son mari Fergan.

Après avoir ainsi raconté ce qu’elle a su et ce qu’elle a vu de la vie et de la mort du jeune maître de Nazareth, elle croirait téméraire d’oser parler de ce qui lui est arrivé à elle-même, depuis le triste jour où elle a vu expirer sur la croix l’ami des pauvres et des affligés ; Geneviève dira seulement que, prenant exemple sur la résignation de Jésus, elle endura patiemment les cruautés du seigneur Grémion, par attachement pour sa maîtresse Aurélie, souffrant tout afin de ne pas la quitter ; aussi, elle est restée l’esclave de la femme de Grémion, pendant les deux ans qu’elle a demeuré en Judée.

Grâce à l’ingratitude humaine, six mois après la mort du pauvre jeune homme de Nazareth, son souvenir était effacé de la mémoire des hommes[1]. Quelques-uns de ses disciples seulement conservèrent

  1. L’arrêt qui avait frappé le maître porta d’abord un grand découragement chez la plu-