Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 4.djvu/105

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— C’est vrai.

— Qui t’émeut ainsi ?

— Un souvenir de famille… si un Vagre, un Homme errant, un Loup a une famille…

— Ce souvenir de famille, quel est-il ?

— Cette douce Hêna, dont parle le bardit, était l’une de mes aïeules…

— Comment le sais-tu ?

— Autrefois, mon père me l’a dit ; il me contait dans mon enfance des histoires des temps passés…

— Ton père, où est-il à cette heure ?

— Je ne sais… il courait la Vagrerie, il la court peut-être encore, à moins qu’il ne soit mort en bon Vagre… Je saurai cela quand lui et moi nous nous retrouverons ailleurs qu’ici…

— Où cela ?

— Dans les mondes mystérieux que nul ne connaît, que tous nous connaîtrons… puisque tous nous irons y revivre…

— Tu as donc conservé la foi de tes ancêtres ?

— Mon père m’a appris à ne pas plus me soucier de mourir que de changer de vêtement… puisqu’on quitte ce monde-ci pour aller, corps et âme, renaître ailleurs… Persuadé de cela, je fais, tu le vois, bon marché de ma peau… et de celles des Franks…

— Il y a-t-il longtemps que tu as été séparé de ton père ?

— Brisons là… c’est triste, j’aime à être en joyeuse humeur… Cependant je me sens attiré vers toi, et tu n’es pas gai…

— Nous vivons dans des temps où, pour être gai, il faut avoir l’âme très-forte ou très-faible…

— Me crois-tu faible ?

— Je te crois fort et faible à la fois… Mais ton père…

— Tu tiens à parler de lui ?

— Beaucoup…

— Soit… Eh bien, mon père était Bagaude en sa jeunesse, et plus