Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 4.djvu/124

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moi, le Seigneur Dieu, j’avais envoyés de mon enfer, au comte Neroweg, pour éprouver s’il aurait le courage de défendre son père en Christ, l’évêque Cautin… Je veux de plus que le comte Neroweg poursuive les Vagres à outrance, qu’il les fasse périr dans les supplices, surtout leur chef, et un ermite relaps, renégat, idolâtre, qui accompagne ces damnés… Je veux enfin que le comte fasse brûler à petit feu une Moabite, une sorcière, une infernale diablesse, qui fut autrefois liée par le mariage à mon chaste et bon serviteur l’évêque Cautin, qui, depuis que je l’ai fait, par ma grâce, monter à l’épiscopat, est une véritable rose de pudicité, un véritable tigre de renoncement aux abominations de la chair… Que le comte Neroweg accomplisse mesdites volontés, à ce prix seulement, je lui remettrai ses péchés, et un jour je lui ouvrirai les portes de mon éternel paradis… Amen… » Là-dessus, les séraphins ont brûlé des parfums d’une odeur céleste, et joué un air de luth des plus délectables… après quoi le Seigneur a ordonné à ses archanges de me rapporter doucement sur leurs ailes vers la terre… ce qu’ils viennent d’accomplir… Voyez plutôt là-haut, tout là-haut, mais il faut vous hâter… voyez tout là-haut… les derniers archanges s’envoler vers le trône d’or de l’Éternel en déployant leurs belles ailes d’azur et d’argent !…

Neroweg et quelques-uns de ses leudes, alléchés par le récit de cette vision, se relevèrent, béants, sur leurs genoux, et levèrent les yeux au ciel pour jouir du miraculeux spectacle promis par l’évêque, mais au lieu des archanges aux ailes d’azur et d’argent, ils virent, par hasard, deux Vagres chevelus et barbus, leurs arcs entre les dents, rampant comme des couleuvres le long d’une grosse branche d’arbre, afin de gagner un endroit d’où ils pourraient, en bons archers, viser sûrement Neroweg et sa troupe…

— Trahison ! — s’écria le comte en se dressant de toute sa hauteur, et montrant la cime des arbres à ses leudes. — Trahison ! les Vagres sont là-haut cachés dans les arbres !…