Aller au contenu

Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 4.djvu/172

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

éclat, — ajouta l’évêque d’une voix de plus en plus retentissante, — malheur à qui oserait, à la face du Tout-Puissant qui nous voit, nous entend, nous juge et nous châtie ; malheur à qui oserait insulter à sa Divinité dans la personne sacrée de ses évêques ! oui, y a-t-il ici quelqu’un qui l’ose ? — continua Cautin d’une voix menaçante ; — y a-t-il ici quelqu’un, roi, seigneur, guerrier ou esclave, qui ose outrager la majesté divine ?

— Il y a ici moi, le Lion de Poitiers, qui te dis ceci à toi, Cautin, évêque de Clermont : Tu vois bien cette houssine ? je te la casserai sur le dos, saint homme, si tu ne cesses de parler avec tant d’insolence.

Foi de Vagre, ce Lion de Poitiers, ce Gaulois renégat, avait parfois du bon ; mais ses hardies paroles firent frémir l’assistance, la truste royale comme les leudes du comte… Il paraissait monstrueux à ces bons catholiques de casser une houssine sur le dos d’un évêque, eût-il, à l’instar de Cautin, enfermé son prochain tout vivant dans le sépulcre d’un mort. Une stupeur profonde succéda à la menace du Lion de Poitiers ; Chram lui-même parut effrayé de l’audace de son favori… Cautin, d’un coup d’œil, vit tout cela ; aussi s’écria-t-il, feignant une sainte horreur en s’adressant au Lion, qui, d’un air de défi, brandissait toujours sa houssine :

— Malheureux impie, aie pitié de toi-même… le Seigneur Dieu a entendu ton blasphème… Vois, le ciel s’obscurcit, le soleil se couvre de ténèbres ! vois ces signes précurseurs du courroux céleste !… À genoux, chers fils ! à genoux ! votre père en Dieu vous l’ordonne… Priez pour apaiser le courroux de l’Éternel soulevé par un épouvantable blasphème !…

Et Cautin descendit précipitamment de cheval ; mais il ne s’agenouilla pas : debout et les mains levées vers le ciel, comme un prêtre officiant à l’autel, il semblait conjurer la colère céleste.

À la voix de l’évêque, les esclaves et les serviteurs de Chram, effrayés des approches de cet orage inattendu, se jetèrent à genoux ; la plupart des hommes de sa truste sautèrent à bas de leurs mon-