Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 4.djvu/174

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— À genoux, notre roi… à genoux !…

— Nous ne voulons pas, si petits que nous sommes, être brûlés par le feu du ciel à cause de ton impiété et de celle de tes favoris.

— À genoux, notre roi… à genoux !… Obéis à la parole du saint évêque… c’est le Seigneur qui nous parle par sa bouche…

— À genoux, roi… à genoux !…

Chram céda… il craignit l’irritation de son entourage, et surtout de donner un exemple public de rébellion contre les évêques, dont la toute-puissance abrutissante venait si bien en aide à la conquête. Chram, maugréant et blasphémant entre ses dents, descendit donc de cheval, faisant signe à ses deux favoris, Imnachair et Spatachair, qui lui obéirent, de l’imiter et de se mettre, comme lui, à genoux.

Seul, à cheval, et dominant cette foule craintive agenouillée, le Lion de Poitiers, le front intrépide, la lèvre sardonique, bravait les roulements du tonnerre qui redoublait de fracas.

— À genoux ! — crièrent les voix de plus en plus irritées, — à genoux, le Lion de Poitiers !…

— Notre roi Chram s’agenouille, et cet impie, cause de tout le mal par ses menaces sacrilèges à l’égard du saint évêque, refuse seul d’obéir…

— Ce blasphémateur va attirer sur nous un déluge de bitume et de feu…

— Mes fils, mes chers fils ! — s’écria Cautin, seul debout, comme le Lion de Poitiers était seul à cheval, — préparons-nous à la mort ! un seul grain d’ivraie suffit à corrompre un muid de froment… un seul pécheur endurci va peut-être causer notre mort, à nous autres justes… Résignons-nous, mes chers fils… que la volonté de Dieu soit faite… peut-être nous ouvrira-t-il son saint paradis !

La foule épouvantée fit entendre des cris de plus en plus courroucés contre le Lion de Poitiers ; et Neroweg, qui gardait rancune à cet insolent de ses impudiques plaisanteries sur Godégisèle, se leva à demi, tira son épée, et s’écria :