Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 4.djvu/297

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observée. La discipline de l’ordre de Saint-Benoît, adoptée dans un grand nombre de monastères de la Gaule, avait paru à Loysik, en raison de certains statuts, anéantir ou dégrader la conscience, la raison, la dignité humaine. Ainsi, le supérieur ordonnait-il à un moine d’accomplir une chose matériellement impossible, le moine, après avoir fait humblement observer à son chef l’impossibilité de l’acte que l’on exigeait de lui, devait cependant obéir (A). Un autre statut disait formellement : — qu’il n’était pas même permis à un moine d’avoir en sa propre puissance son corps et sa volonté (B). — Enfin, il était formellement interdit à un moine d’en défendre, d’en protéger un autre, fussent-ils unis par les liens du sang (C). — Ce renoncement volontaire aux sentiments les plus tendres et les plus élevés ; cette abnégation de sa conscience et de la raison humaine, poussée jusqu’à l’imbécillité ; cette obéissance passive, qui fait de l’homme une machine inerte, une sorte de cadavre, avait paru par trop catholique à Loysik pour qu’il ne combattît pas l’envahissement de la règle de Saint-Benoît, malheureusement alors presque généralement adoptée en Gaule.

Loysik dirigeait les travaux de la communauté, auxquels il avait participé jusqu’à ce que le grand âge eut affaibli ses forces ; il soignait les malades, enseignait les enfants des habitants de la vallée, assisté de plusieurs frères ; le soir, après les rudes labeurs de la journée, il réunissait la communauté, l’été, sous les arceaux de la galerie qui entourait la cour intérieure du cloître ; l’hiver, dans le réfectoire ; là, fidèle à la tradition de sa famille, il racontait à ses frères les gloires de l’ancienne Gaule, les actions des vaillants héros des temps passés, entretenant ainsi dans tous les cœurs le culte sacré de la patrie, combattant le découragement qui souvent s’emparait des âmes les plus fermes à l’aspect de la conquête franque se prolongeant au milieu des ruines et des désastres du pays.

La communauté vivait ainsi laborieuse et paisible, depuis de longues années, sous la direction de Loysik ; rarement il avait besoin de