Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/116

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m’a surnommé Marteau, pourvu que je frappe ou que j’écrase ce qui me fait obstacle, tout ennemi m’est bon ; je démolis pour fonder… Écoute encore, je croyais après leur déroute à Poitiers, ces chiens d’Arabes, si rudement martelés, qu’ils repasseraient en hâte les Pyrénées ; je me suis trompé, ils ont tenu, ils tiennent encore ferme dans le Languedoc ; malgré le succès de notre dernière bataille nous n’avons pu nous emparer de Narbonne, place de refuge de ces païens. Il me faut retourner dans le nord de la Gaule ; les Saxons redeviennent menaçants. Je regrette de laisser Narbonne aux mains des Sarrazins ; mais du moins nous avons ravagé les environs de cette grande cité, fait un immense butin, emmené beaucoup d’esclaves, dévasté, en nous retirant, les pays de Nîmes, de Toulouse et de Béziers ; bonne leçon pour ces populations qui avaient pris parti pour les Arabes ; elles se rappelleront ce qu’on gagne à quitter l’Évangile pour le Koran, ou plutôt, car je me soucie de Mahomet comme du Pape, ce qu’on gagné à s’allier aux Arabes contre les Franks. Du reste, quoiqu’ils restent maîtres de Narbonne, ces païens m’inquiètent peu : des voyageurs arrivés d’Espagne m’ont appris que la guerre civile a éclaté entre les deux kalifes de Grenade et de Cordoue ; occupés à batailler entre eux, ils n’enverront pas de nouvelles troupes en Gaule, et ces maudits Sarrazins n’oseront sortir du Languedoc, d’où je les chasserai plus tard… Tranquille au midi, je retourne au nord ; je voudrais auparavant caser à leur goût et au mien bon nombre de braves soldats, qui, comme toi, m’ont vaillamment servi, et faire d’eux de gros abbés, de riches évêques ou de grands bénéficiers.

— Karl, tu voudrais faire de moi un abbé ou un évêque ?

— Pourquoi non ? L’abbaye et l’évêché ne font-ils pas l’évêque et l’abbé ?

— Je ne te comprends pas.

— Écoute encore… Tu l’as vu, je n’ai pu soutenir mes grandes et continuelles guerres du nord et du midi, qu’en recrutant sans cesse