Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/146

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Quelque colon m’aura friponné… C’est aujourd’hui le jour où ils payent leur redevance ; l’on dirait, quand ils donnent leur argent, qu’ils s’arrachent la peau. Malheureusement il est trop tard pour découvrir les fripons qui auront donné ces mauvais sous d’argent ; mais, j’y songe, quelques colons sont en retard, ils viendront sans doute payer à l’heure où les esclaves de l’abbaye apportent leur redevance en nature, tu seras là, tu examineras les pièces d’argent, et malheur au larron qui donnerait une pièce de mauvais aloi !

— Je ferai selon votre volonté… Nous allons serrer ces métaux précieux et les pierreries dans le coffre de fer, en attendant que je les mette en œuvre.

— Cela me fait songer qu’hier je n’ai point visité le coffre.

Pendant que le Frank, ayant ouvert le coffre, examinait son contenu, le vieil orfévre se rapprocha des jeunes apprentis et leur dit à voix basse : — Mes enfants, jusqu’ici j’ai toujours pris votre défense contre nos maîtres, palliant ou cachant vos fautes, afin de vous épargner des châtiments quelquefois mérités…

— C’est vrai, père Bonaïk.

— En retour, je vous demande de traiter comme une sœur cette pauvre enfant qui est là toute tremblante. Je vais sortir avec l’intendant durant une heure peut-être, promettez-moi d’être réservés en vos propos pendant mon absence : ne confusionnez pas cette jeune fille. Que le chagrin qu’elle semble éprouver vous la rende respectable…

— Ne craignez rien, père Bonaïk, nous ne dirons rien qu’une nonne ne puisse entendre.

— Cela ne me suffit point du tout ; promettez-moi de ne dire que ce que vous diriez devant votre mère.

— Nous vous le promettons, maître Bonaïk.

Cet entretien avait eu lieu à l’autre bout de l’atelier, tandis que Ricarik inventoriait le contenu du coffre. Le vieillard revint alors près de Septimine, et lui dit à demi-voix : — Mon enfant, je vais