Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/148

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donc courir les champs au lieu d’être tenu à l’atelier de l’aube au soir ! » Voilà ce que ces garçons appellent ses confidences ; pardonnez-leur donc : de plus, songez-y, notre sainte dame Méroflède est impatiente d’avoir la ceinture et le vase ; or, si vous faites châtier mes apprentis, ils passeront plus de temps à se frotter l’échine qu’à manier la lime et le marteau, et notre travail n’avancera guère.

— Soit, ils seront châtiés plus tard, car il faut non-seulement que toi et eux vous travailliez le jour, mais encore la nuit : le jour vous façonnerez l’or et l’argent ; la nuit vous fourbirez le fer.

— Que voulez-vous dire ?

— Ce soir on apportera ici des armes que j’ai envoyé acheter à Nantes.

— Des armes ! — dit le vieillard fort surpris, — des armes ! les Arabes menacent-ils encore le cœur de la Gaule ?

— Vieillard, on t’enverra ce soir des armes, veille à ce que les lances soient bien aiguisées, les épées bien affilées, les haches bien tranchantes ; ne t’inquiète pas du reste. Mais voici l’heure où les esclaves apportent leurs redevances ; les colons retardataires sont sans doute avec eux pour payer leur redevance en argent. Suis-moi, afin de vérifier si ces larrons ne me donnent point de pièces de mauvais aloi.

Bonaïk, avant de quitter Septimine, lui dit tout bas : — Rassurez-vous, mon enfant, je reviens bientôt. — Puis passant auprès de l’établi des apprentis, il ajouta : — Tout à l’heure je vous ai encore sauvés des lanières. Songez à votre promesse : soyez réservés à l’égard de cette jeune fille.

Le vieil orfévre quittant l’atelier avec Ricarik, le suivit sous un immense hangar situé au dehors de l’abbaye. Là étaient déjà réunis presque tous les esclaves et colons qui apportaient au monastère leurs redevances. Il y avait ainsi par an quatre jours fixés pour le payement des grandes redevances. À ces époques les produits des terres, si péniblement cultivées par les Gaulois, affluaient à l’abbaye ;