Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/171

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coquille de fer ; puis je te viendrai quérir pour souper avec notre sainte dame.

Une demi-heure après, Berthoald, sortant du bain et conduit par Ricarik, entrait dans l’appartement de l’abbesse.




Lorsque Berthoald parut dans la salle où l’attendait Méroflède, il la trouva seule ; elle avait quitté ses vêtements noirs pour revêtir une longue robe blanche ; un léger voile cachait à demi les tresses de son épaisse chevelure d’un roux ardent et doré : un collier et des bracelets de pierreries ornaient son cou et ses bras nus. Les Franks ayant conservé l’habitude, jadis introduite en Gaule par les Romains, d’entourer leurs tables d’espèces de lits ; l’abbesse, à demi couchée sur un long et large siège à dossier garni de coussins, fit signe au jeune chef de s’asseoir auprès d’elle. Berthoald obéit, de plus en plus frappé de l’étrange beauté de Méroflède. Un grand feu flambait dans l’âtre ; une riche vaisselle d’argent brillait sur la table recouverte de lin brodé ; des amphores, précieusement ciselées, se dressaient à côté des coupes d’or ; les plats contenaient des mets appétissants ; un candélabre, où brûlaient deux petits cierges de cire, éclairait à peine cette salle immense, qui, par l’insuffisance du luminaire, devenant presque obscure à quelques pas des deux convives, était plongée dans les ténèbres à ses deux extrémités. Le lit s’adossait à une muraille boisée, deux portraits y étaient suspendus, l’un, grossièrement peint sur un panneau de chêne, à la mode de Byzance, représentait un guerrier frank, barbarement accoutré, ainsi que se vêtissaient, trois siècles auparavant, les leudes de Clovis, ces premiers conquérants des Gaules ; au-dessous de cette peinture on lisait : Gonthramm Neroweg. À côté de ce portrait on voyait celui de l’abbesse Méroflède, enveloppée de ses longs voiles noirs et blancs ; elle tenait d’une main sa crosse abbatiale, de l’autre, une épée nue. Cette image, beaucoup plus petite que la première,