Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/206

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délecter les âmes pieuses et terrifier les impies. Je termine en te demandant ta bénédiction apostolique. » Après avoir lu cette lettre, Ricarik dit à l’abbesse : — Et maintenant, madame, veuillez signer.

Méroflède prit la plume, écrivit au bas de l’épître : — Méroflède, abbesse de Meriadek. — Après quoi elle ajouta avec un sourire sardonique : — Le miracle me semble suffisamment justifié ; l’évêque de Nantes est habile homme, il saura faire valoir la chose ; dans cent ans encore l’on parlera du prodige insigne qui a protégé les vierges saintes du couvent de Meriadek… Ah ! — reprit Méroflède d’un air sinistre en appuyant son front brûlant entre ses mains, — je rirais bien si je n’avais l’enfer dans l’âme !

— Quoi ! madame, toujours ce Berthoald ?

— Oui, malheur à moi ! Oh ! ce que j’éprouve pour lui est un mélange de mépris, de haine et de frénésie amoureuse… Cela m’épouvante… Jamais, non, jamais jusqu’ici je n’ai ressenti ce que je ressens à cette heure pour cet homme !

— Il est pourtant un moyen, madame, de vous délivrer de ces angoisses… Ce moyen, je vous l’ai proposé…

— Prends garde ! ta vie me répond de la sienne !

— Mais quels sont vos desseins ?

— Est-ce que je le sais… tantôt je veux lui faire souffrir mille morts, tantôt tomber à ses genoux, lui demander grâce… tantôt… mais, tiens, je te l’ai dit, je suis folle… folle ! — Et l’horrible créature se tordit en hurlant sur le lit, mordant les coussins ou les déchirant de ses ongles avec une sorte de furie sauvage ; puis, se relevant soudain, les yeux à la fois humides de larmes et étincelants de passion, elle dit à Ricarik : — Où est la clef du cachot de Berthoald ?

— Elle est dans ce trousseau, — répondit l’intendant en montrant plusieurs clefs pendues à sa ceinture.

— Donne-moi cette clef.

— Quoi ! vous voulez ?…

— Donne… donne…