Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/208

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du brasier de la forge et du fourneau éclairait seule l’atelier ; les barreaux des fenêtres venaient d’être enlevés.

— Vous êtes jeunes et vigoureux, — dit le vieillard aux esclaves apprentis ; — à défaut d’autres armes, les barres de fer enlevées de la croisée pourront vous servir ; déposez-les dans un coin. Maintenant, passez le baril par la fenêtre, et attachez à l’un des cercles cette cordelle, dont l’un des bouts est aux mains d’Amael ; il est prêt, car il vient de répondre à notre signal.

Rosen-Aër et la Coliberte, le cœur palpitant d’espérance et d’angoisse, se tenaient auprès de la fenêtre serrées l’une contre l’autre. Les apprentis mirent le baril dehors ; les ténèbres étaient profondes, l’on ne distinguait pas même la blancheur du bâtiment dont la partie basse servait de cachot à Amael. Bientôt, attiré par lui, le baril disparut dans l’ombre ; à mesure qu’il s’éloignait, l’un des apprentis déroulait peu à peu la corde dont le tonneau était entouré ; elle devait servir à le ramener, lorsque le fugitif y aurait pris son point d’appui. À ce moment, il se fit un grand silence dans l’atelier ; toutes les respirations semblaient suspendues ; malgré la nuit, nuit si noire que l’on n’apercevait absolument rien au dehors, tous les regards cherchaient à percer ces ténèbres. Enfin, au bout de quelques minutes d’anxiété, l’apprenti qui, penché à la fenêtre, tenait la corde destinée à ramener le baril, dit au vieillard : — Maître Bonaïk, le prisonnier est sorti de la cave ; il s’appuie sur le tonneau, je viens de sentir la corde se raidir.

— Alors, mon garçon, tire à toi… tire doucement sans secousse.

— Il vient, — reprit joyeusement l’apprenti ; — le poids du prisonnier pèse maintenant sur le tonneau.

— Grand Dieu ! — s’écria Rosen-Aër, — voyez, dans le souterrain, cette lumière… tout est perdu !…

En effet, une vive lueur, produite par la clarté d’une lampe, apparaissant soudain dans l’intérieur de la cave, l’ouverture demi-circulaire du soupirail se dessina lumineuse à travers les ténèbres ;