Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/213

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apparaissent maintenant dans la cour que nous venons de quitter !

— Il n’y a rien à craindre, mes enfants ; la porte est bardée de fer et fermée en dehors ; avant qu’on ait eu le temps de la défoncer, nous serons embarqués ! — Ce disant, le vieillard continua de se diriger vers le gros saule ; remarquant alors un bissac gonflé que Justin, l’un des apprentis, portait sur son dos, il lui dit : — Qu’as-tu dans ce sac ?

— Maître Bonaïk, pendant que vous parliez à l’intendant, nous deux Gervais, nous doutant de quelque manigance de votre part, nous avons pris, par précaution, moi, mon bissac, où j’ai mis le restant de nos vivres, et Gervais, l’outre de vin encore à demi pleine.

— Vous êtes de judicieux garçons, car nous aurons à faire une longue route après avoir débarqué. — Le vieillard et ses compagnons arrivèrent bientôt près du gros saule ; un bateau y était amarré, quatre esclaves rameurs sur les bancs, le pilote au gouvernail. — Enfin ! — dit-il d’un ton bourru, — voilà trois heures que nous attendons ; nous sommes transis de froid, et nous allons avoir à ramer pendant plus de deux heures…

— Je vais vous donner une bonne nouvelle, mes amis, — répondit l’orfévre aux bateliers. — J’ai amené du monde pour ramer ; les rameurs peuvent donc rentrer au monastère ; le pilote seul restera pour guider le bateau.

Joyeux et prestes, les esclaves s’élancèrent hors du bateau. Le pilote se résigna, non sans murmurer. Bonaïk fit entrer Rosen-Aër et Septimine dans la barque ; Amael et les apprentis s’emparèrent des avirons. Le pilote prit le gouvernail, l’embarcation s’éloigna du rivage, et le vieil orfévre, essayant son front baigné de sueur, dit avec un grand soupir d’allégement : — Ah ! mes enfants ! voilà un jour de fonte comme je n’en vis jamais dans l’atelier du grand Éloi !