Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/240

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du
 terme de notre voyage ; n’est-ce pas, Hildebrad ? — ajouta-t-il en se tournant vers le guerrier.

— Avant le coucher du soleil, nous serons à Aix-la-Chapelle, — répondit le Frank ; — Sans cette colline que nous allons gravir, tu verrais au loin la ville.

— Va rejoindre ton compagnon, mon enfant, — dit Amael ; — surtout replace ton bras dans son écharpe, et conduis ton cheval sagement ; des mouvements trop brusques pourraient rouvrir ta plaie, à peine cicatrisée.

L’adolescent obéit, et alla au pas de sa monture rejoindre Octave. Grâce à la mobilité des impressions de la jeunesse, Vortigern se sentit apaisé, réconforté par les paroles de son aïeul, qui lui faisait espérer de revoir bientôt sa famille et son pays ; la douceur de cette pensée se réfléchit si visiblement sur ses traits ingénus, qu’Octave lui dit gaiement : — Quel magicien que ton aïeul !… Tu étais parti soucieux et irrité, enfonçant de colère tes éperons dans le ventre de ton cheval… te voici revenu calme comme un évêque sur sa mule !

— Tu l’as dit, Octave, la magie de mon grand-père a chassé ma tristesse.

— Tant mieux ! je pourrai, sans crainte de blesser ton chagrin, donner libre cours à ma joie croissante à chaque pas.

— Pourquoi ta joie va-t-elle toujours ainsi croissant ?

— Pourquoi le plus piètre cheval prend-il une allure de plus en plus vive et allègre à mesure qu’il approche de la maison où il sait trouver sa provende ?

— Octave, je ne te savais pas si glouton.

— Ma figure, en ce cas, est fort trompeuse, car glouton je suis… terriblement glouton de ces délicates friandises que l’on ne trouve qu’à la cour, et qui sont ma provende, à moi !

— Quoi ! — dit ingénument Vortigern, — ce grand empereur dont le nom remplit, dit-on, le monde, est entouré d’une cour où l’on ne songe qu’aux friandises…