Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/263

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— Va… et prends garde de casser tes œufs. — L’empereur, s’arrêtant alors un instant, appuyé sur sa canne, se tourna vers Amael, et l’appelant : — Eh ! seigneur breton, venez ici, à côté de moi. — Amael obéit ; l’empereur, continuant de marcher, ajouta : — Karl le Batailleur, le conquérant, est du moins un bon ménager… qu’en penses-tu ? Il sait, à un œuf près, combien pondent les poules de ses métairies (Q). Si jamais tu retournes en Bretagne, tu raconteras ceci aux ménagères de ton pays.

— Si je revois jamais mon pays, je dirai la vérité sur ce que je vois ici.

En ce moment Karl frappa à une porte donnant sur la galerie. Aussitôt un clerc, vêtu de noir, vint ouvrir, et s’écria, frappé de surprise, en fléchissant le genou : — L’empereur ! — Et comme le clerc faisait un mouvement pour courir à la porte d’une salle voisine, dont on voyait l’entrée, Karl lui dit : — Ne bouge pas !… Maître Clément professe à cette heure, n’est-ce pas ?

— Oui, prince Auguste.

— Reste là… — Et s’adressant à Amael : — Seigneur Breton, tu vas visiter une école que j’ai fondée ; elle est sous l’enseignement de maître Clément, fameux rhéteur, que j’ai fait venir d’Écosse. Les enfants des plus grands seigneurs de ma cour viennent, d’après ma volonté, étudier dans cette école, avec les enfants des plus pauvres de mes serviteurs.

— Karl, ceci est bien… je t’en félicite !

— C’est pourtant Karl le Batailleur qui a fait cette bonne chose… Enfin, viens, entrons. — Et se tournant vers Vortigern : — Eh ! mon jeune homme, vous qui ne savez pas chanter la messe, entrez, entrez, et ouvrez de toutes vos forces les yeux et les oreilles ; vous allez voir des écoliers de votre âge.

L’école palatine, dirigée par l’Écossais Clément, et dans laquelle les deux Bretons suivirent l’empereur, était remplie d’environ deux cents écoliers ; tous se levèrent de leurs bancs à la vue de Karl ;