Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/325

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frappé d’un spectacle étrange, arrêta sa monture. Il remarquait à l’extrême horizon encore distinct malgré le crépuscule, un feu que l’éloignement rendait à peine visible. Presque aussitôt des feux pareils s’allumèrent de proche en proche sur les cimes espacées de la longue chaîne des montagnes Noires. Ces feux apparaissaient de plus en plus éclatants et considérables, à mesure qu’ils étaient plus proches de l’endroit où se trouvait l’abbé Witchaire. Soudain à vingt pas de lui, il vit poindre une lueur rougeâtre à travers une fumée épaisse ; bientôt cette lueur se changea en une flamme brillante qui s’élançant vers le ciel étoilé, jeta une clarté si vive, que l’abbé, les moines, le guide, les roches, une partie de la rampe de la montagne furent éclairés comme en plein jour. Quelques moments après, des feux pareils, continuant de s’allumer de colline en colline, semblèrent tracer la route que les voyageurs venaient de parcourir, et se perdirent au loin dans la brume du soir. L’abbé Witchaire restait muet d’étonnement. Karouër poussa par trois fois un cri guttural et retentissant comme celui d’un oiseau de nuit. Un cri semblable s’élevant de derrière le plateau de roches où brillait la flamme, répondit à l’appel de Karouër.

— Quels sont ces feux qui s’allument ainsi de montagne en montagne ? — dit vivement l’abbé frank, après un premier moment de surprise ; — c’est sans doute un signal ?

— À cette heure, — répondit le guide, — des feux pareils brillent sur toutes les cimes de l’Armorique, depuis les montagnes d’Arrès, jusqu’aux montagnes Noires et à l’Océan.

— Réponds, — s’écria l’abbé frank, — de ce signal, quel est le but ?

Karouër, selon sa coutume, ne répondit rien, et hâta le pas en faisant tournoyer son pen-bas.




La demeure de Morvan le laboureur, élu chef des chefs de la Bre-