Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/326

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tagne, était située à mi-côte de la vallée de Lokfern, au milieu des derniers chaînons des montagnes Noires ; de fortes palissades en troncs de chêne bruts reliés entre eux par de fortes traverses, et placées sur le revers de profonds fossés, défendaient les abords de cette métairie. En dehors de cette clôture fortifiée s’étendaient, au nord et à l’est, des bois séculaires ; au midi, de vertes prairies descendaient en pente douce jusqu’aux sinuosités d’une rivière rapide bordée de saules et d’aulnaies. Le logis de Morvan, ses granges, ses écuries, ses étables, avaient l’extérieur agreste des constructions gauloises du vieux temps ; une sorte de porche rustique s’étendait devant l’entrée principale de la maison ; sous ce porche, et jouissant de la fin de ce beau jour d’été, se tenaient Noblède, femme de Morvan, et Josseline, jeune épouse de Vortigern. Cette toute jeune femme, d’une riante beauté, allaitait son dernier né, ayant à ses côtés ses deux autres enfants, Ewrag et Rosneven, âgés de quatre et cinq ans. Caswallan, druide chrétien, vieillard d’une figure vénérable, et dont la barbe était aussi blanche que sa longue robe, souriait doucement au petit Ewrag, qu’il tenait entre ses genoux. Noblède, femme de Morvan et sœur de Vortigern, âgée d’environ trente ans, était d’une grande beauté, quoique sa physionomie fût empreinte d’une vague tristesse, car, depuis dix années de mariage, Noblède ne connaissait pas encore le bonheur d’être mère. Son grave maintien, sa haute stature, rappelaient ces matrones qui, aux jours de l’indépendance de la Gaule, siégeaient vaillamment, à côté de leurs époux, aux conseils suprêmes de la nation. Noblède et Josseline filaient leur quenouille, tandis que les autres femmes et filles de la famille de Morvan s’occupaient des préparatifs du repas du soir ou de divers travaux domestiques, remplissant de fourrages les râteliers que les troupeaux devaient trouver garnis à leur retour des champs. Le druide chrétien Caswallan tenait sur ses genoux le petit Ewrag, et achevait de lui faire réciter sa leçon religieuse sous cette forme symbolique, lui disant : — « Enfant blanc du druide, réponds-moi ; que te dirai-je ?