Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/334

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— Le voici, — répondit Karouër en lui désignant son compagnon de voyage.

— Tu es l’abbé Witchaire ? — reprit Morvan d’une voix encore haletante de son rude labeur ; puis croisant ses deux robustes bras sur le manche de son fléau et s’y appuyant, il ajouta : — Je t’attendais, veux-tu souper ?

— Je préfère m’entretenir d’abord avec toi.

— Noblède, — dit Morvan, en essayant du revers de sa main la sueur qui baignait son front, une torche, ma chère femme. — Et se retournant vers l’abbé : — Suis-moi. — Noblède prenant une des torches placées près de la margelle du puits, précéda son mari et l’abbé Witchaire dans la chambre destinée aux hôtes ; deux grands lits y étaient préparés, ainsi qu’une table garnie de viande froide, de laitage, de pain et de fruits. Noblède, après avoir placé la torche dans un des bras de fer scellés à la muraille, se préparait à sortir, lorsque Morvan lui dit avec un accent significatif : — Chère femme, tu reviendras me donner le baiser du soir lorsque le battage du grain sera terminé. — Un regard de Noblède répondit à son mari qu’elle l’avait compris ; elle quitta la chambre des hôtes, où Morvan resta seul avec l’abbé Witchaire, qui, s’adressant au chef des chefs : — Morvan, je te salue ; je t’apporte un message du roi des Franks, Louis-le-Pieux, fils de Karl-le-Grand.

— Quel est ce message ?

— Il se compose de peu de mots, les voici. — Et il lut : — « Les Bretons occupent une province de l’empire du roi des Franks et refusent de lui payer tribut en gage de sa royale souveraineté ; de plus, le clergé breton, généralement infecté d’un vieux levain d’idolâtrie druidique, méconnaît la suprématie de l’archevêque de Tours. Telles sont les conséquences de cette funeste hérésie, que Lant-bert, comte de Nantes, a écrit ceci au roi Louis-le-Pieux : La nation bretonne est orgueilleuse, indomptable ; tout ce qu’elle a de chrétien, c’est le nom ; quant à la foi, au culte, aux œuvres, l’on en