Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/37

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Depuis longtemps je soupçonnais cette trahison. Ah ! seigneurs enrichis, rendus si puissants par la générosité des rois, vous poussez à ce point l’ingratitude ! Soit ; je préfère la franche guerre à la guerre sourde ; les domaines, terres saliques ou bénéfices de ces traîtres, retourneront à mon fisc. Continue…

— Clotaire II a levé son camp d’Andernach, et il est entré au cœur de l’Austrasie. Sommé de respecter les royaumes de ses neveux, dont vous avez, madame, la tutelle, il a répondu qu’il s’en remettrait au jugement des grands d’Austrasie et de Bourgogne.

— Le fils de Frédégonde espère soulever contre moi les peuples et les seigneurs de mes royaumes ; il se trompe ; des exemples prompts, prochains, terribles, épouvanteront les traîtres… tous les traîtres, entends-tu, Warnachaire ?

— Oui, madame.

— Tous les traîtres, quel que soit leur rang, leur puissance, quel que soit le masque dont ils se couvrent, entends-tu, Warnachaire ? maire du palais de Bourgogne…

— J’entends, madame… J’entends même ce que vous ne me dites pas…

— Tu lis dans ma pensée ?

— Oui, vous me croyez un traître… Vous me soupçonnez surtout depuis votre récent retour de Worms ?

— Je soupçonne toujours…

— Votre soupçon, madame, s’est changé en certitude ; vous avez écrit à Aimoin, un homme à vous, de me poignarder.

— Je ne fais poignarder… que mes ennemis…

— Je suis donc pour vous un ennemi, madame ? Voici les morceaux de la lettre écrite de votre main à Aimoin pour lui ordonner de me tuer (K).

Et le duk déposa sur la table plusieurs morceaux de parchemins déchirés ; la reine regarda le maire du palais d’un œil défiant.

— Ainsi Aimoin t’a livré ma lettre ?