— Non, madame, le hasard a mis en ma possession ces morceaux de parchemin.
— Et pourtant… tu reviens ici ?
— Pour vous prouver l’injustice de vos soupçons.
— Ou pour mieux me trahir.
— Madame, si j’avais voulu vous trahir, je me serais rendu, comme tant d’autres seigneurs de Bourgogne, auprès de Clotaire II ; je lui aurais donné votre petit-fils en otage, et je serais resté dans le camp de votre ennemi avec les tribus que j’ai ramenées de Germanie.
— Ces tribus me sont dévouées… elles ne t’auraient pas suivi, elles viennent ici pour renforcer mon armée…
— Ces tribus, madame, viennent ici pour piller, peu leur importe que ce soit comme auxiliaires de Brunehaut ou de Clotaire II ; pays de Soissons, de Bourgogne ou d’Austrasie, ces Franks n’ont pas de préférence pourvu, qu’après s’être vaillamment battus et avoir aidé à la victoire, ils puissent ravager la contrée vaincue, faire un gros butin, et emmener de nombreux esclaves de l’autre côté du Rhin, tels sont les Franks que je vous ramène.
— Je te dis, moi, que la vue de mon petit-fils, ce roi enfant, venant demander par ta bouche aide et force aux Germains, a intéressé ces barbares.
— Si vous n’aviez, madame, expressément promis à ces tribus le pillage des territoires vaincus, ils seraient demeurés, croyez-moi, insensibles à la jeunesse de Sigebert ; ils sont aussi sauvages que l’étaient nos pères, les premiers compagnons de Clovis ; il m’a fallu de grands efforts pour les empêcher de tout ravager sur notre route ; dans leur farouche impatience ils se croyaient déjà en pays conquis ; chaque jour leurs chefs me demandaient à grands cris la bataille, afin d’être de retour en Germanie avec leur butin et leurs esclaves avant la saison d’hiver qui rend périlleuse la traversée.
— Et ces tribus où sont-elles ?
— Je les ai laissées vers Montsarran.