Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/48

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— Pourquoi non  ?

— Tu le demandes ! Une charte du père du mari de Frédégonde ? une charte de l’aïeul de Clotaire II, fils de Frédégonde, mon plus mortel ennemi. Moine, je te croyais un homme dangereux et subtil, je me trompais ; tu viens ici me parler d’une charte signée de l’aïeul de l’homme que je poursuivrai jusqu’à la tombe… Mais, vieillard insensé ! un arbre qui aurait prêté son ombrage au fils de Frédégonde, je le ferais brûler, cet arbre ! Une source où cet homme se serait désaltéré… je la ferais empoisonner, cette source… Et il s’agit, non plus d’objets inanimés, mais d’hommes, de femmes, d’enfants qui doivent leur liberté à l’aïeul du fils de Frédégonde ! Je peux, ces affranchis de Clotaire Ier, les faire souffrir dans leur âme, dans leur chair et dans leur race ! Oh ! merci ! moine, merci ; dès demain tous les habitants de cette vallée seront envoyés comme esclaves à ces farouches tribus qui me viennent de Germanie… Ce sera une avance sur le pillage promis.

— Soit, vous allez envoyer de nombreuses troupes dans la vallée ; elles y pénétreront de vive force, elles écraseront nos habitants malgré leur résistance héroïque : hommes, femmes, enfants sauront mourir. Vos soldats, après un combat acharné, entrant dans la vallée n’y trouveront que cendres et cadavres ; c’est dit ; maintenant, écoutez ceci. La guerre est déclarée entre vous et le fils de Frédégonde ; le moment est suprême, vous avez besoin de toutes vos forces. Exécrée du peuple, exécrée des grands, dont les plus considérables sont déjà dans le camp de Clotaire II, soupçonnant vos généraux, ne rêvant que trahison ; à peine êtes-vous certaine de la fidélité de votre armée, puisqu’il vous faut appeler comme auxiliaires des tribus barbares et leur promettre le pillage… Écoutez encore… Notre malheureux peuple est énervé par l’esclavage, je le sais ; mais, guidé par son instinct et voyant s’accroître de jour en jour la grandeur des maires du palais, il fait des vœux pour eux ; songez-y, à leur voix il se soulèvera, parce que il voit en eux les ennemis des rois