Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/49

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franks ; et cette lutte sanglante nous profitera tôt ou tard, à nous peuple conquis !

— Ah ! tu sais bien que l’on ne périt qu’une fois dans les tortures, de là vient ton audace, — dit Brunehaut frappée, malgré sa fureur, des paroles de Loysik. — Continue… je veux voir jusqu’où ira ton insolence !

— Nos gens de la vallée, malgré leur résistance héroïque, seront écrasés… Cependant, voyons ! croyez-vous que les populations voisines, si hébétées, si craintives qu’elles soient devenues, resteront impassibles lorsqu’elles auront vu des hommes de leur race, défendant leur liberté, se faire exterminer jusqu’au dernier ? Savez-vous que l’horreur de la conquête, la haine de la servitude, l’excès de la misère, ont souvent poussé à d’indomptables révoltes des peuples encore plus abâtardis que le nôtre ! Savez-vous que demain… demain ! une insurrection terrible peut éclater contre vous à la voix des grands qui vous abhorrent !

— Insensé ! est-ce que ces grands ne sont pas autant que nous les ennemis de ta vile race conquise !

— Oui, leur but atteint, votre perte accomplie, ces grands écraseront ce peuple comme vous l’écrasiez vous-même, c’est le droit qu’ils vous disputent ; oui, après l’explosion de sa colère, ce malheureux peuple reprendra son joug avec docilité… car les temps, hélas ! ne sont pas encore venus ! Mais qu’importe ! Cette révolte au cœur de votre royaume en ce moment où votre implacable ennemi menace vos frontières, en ce moment où la trahison vous enveloppe… cette révolte serait aujourd’hui votre perte… et vous livrerait vous, vos royaumes, au fils de Frédégonde !

À ce nom Brunehaut tressaillit de fureur… Puis, le front penché, le regard fixe, elle parut plus attentive encore aux paroles de Loysik, qui continua avec un amer dédain :

— La voilà donc cette reine si fameuse par l’effrayante audace de sa politique ! Pour assurer son empire elle a commis des