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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/55

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fils et son petit-fils avaient été victimes… Cette femme illustre mourut par le poison.

— Ha ! ha ! — s’écria Brunehaut avec un nouvel éclat de rire sardonique… — Moine… moine… tu vois… toujours la justice de Dieu !…

— Toujours la justice de Dieu… car la mort des plus grands génies qui aient illustré le monde n’a jamais été pleurée comme fut pleurée la mort de Victoria ! On eût dit les funérailles de la Gaule ! Dans les plus grandes cités, dans les plus obscurs villages, les larmes coulaient partout. Partout on entendait ces mots entrecoupés de sanglots : Nous avons perdu notre mère… Les soldats, ces rudes guerriers des légions du Rhin, bronzés par cent batailles, les soldats pleuraient avec les enfants… C’était un deuil universel, imposant comme la mort. À Mayence, où Victoria mourut, ce fut un spectacle de douleur sublime !

— Assez, moine… — murmura Brunehaut les dents serrées de rage, — oh ! assez…

— Ce fut, disais-je, un spectacle de douleur sublime ; Victoria, couchée sur un lit d’ivoire recouvert de drap d’or, fut exposée pendant huit jours ; hommes, femmes, enfants, l’armée, le sénat, encombraient les abords de son humble maison ; chacun venait une dernière fois contempler dans un pieux recueillement les traits augustes de celle qui fut la gloire la plus chérie, la plus admirée de la Gaule…

— Moine… — s’écria Brunehaut en saisissant le bras du vieillard et voulant l’entraîner avec elle, — les bourreaux attendent… Viens… viens… Oh ! je serai là…

Loysik n’employa qu’une force d’inertie pour résister à la reine, resta immobile, et continua d’une voix calme et solennelle :

— Les restes de Victoria la Grande, portés sur le bûcher, disparurent dans une flamme pure, brillante, radieuse comme sa vie ; enfin, pour honorer son génie viril à travers les âges, le peuple des