Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/56

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Gaules, lorsqu’il eut perdu sa mère, lui décerna ce titre souverain que toujours elle avait refusé, par une modestie sublime ; oui, il y a plus de quatre siècles, ce bronze fut frappé à l’immortelle effigie de Victoria, empereur !

En disant ces derniers mots, Loysik avait pris la médaille entre ses mains. Brunehaut, dont la rage était arrivée à son paroxysme, arracha l’auguste image des mains du vieillard, la jeta sur le sol, et foula ce bronze sous ses pieds avec une fureur aveugle.

— Oh ! Victoria… Victoria ! — s’écria Loysik, la figure rayonnante d’enthousiasme, — ô femme empereur ! héroïne des Gaules ! je peux mourir ! ta vie aura été pour Brunehaut le châtiment de ses crimes ; — et se tournant vers la reine toujours possédée de son vertige frénétique : — Va… ainsi que ce bronze que tu foules aux pieds, elle défie ta rage impuissante, la gloire immortelle de Victoria la Grande !

Soudain Warnachaire entra dans la salle en s’écriant :

— Madame… madame… désastreuse nouvelle… Un second messager arrive à l’instant de l’armée… Clotaire II, par une manœuvre habile, a enveloppé nos tribus germaines ; l’espoir d’un prompt pillage les a réunies à ses troupes ; il s’avance à marches forcées sur Châlons. Votre présence et celle des jeunes princes au milieu de l’armée est indispensable en un moment si grave. Je viens de donner les ordres nécessaires pour votre prompt départ. Venez, madame, venez ; il s’agit du salut de vos états, de votre vie peut-être… Car, vous le savez, le fils de Frédégonde est implacable…

Brunehaut, frappée de stupeur à cette brusque nouvelle, resta d’abord pétrifiée… tenant encore son pied sur la médaille de Victoria ; puis ce premier saisissement passé, elle s’écria d’une voix retentissante comme le rugissement d’une lionne en furie.

— À moi, mes leudes ! un cheval… un cheval… Brunehaut se fera tuer à la tête de son armée ! ou le fils de Frédégonde trouvera la mort en Bourgogne. Qu’on amène les princes… et, à cheval ! à cheval !…