Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/65

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sivement dans ses liens, que le bourreau pouvait à peine le contenir. — Oh ! — ajoutait-il en grinçant des dents tout haletant de cette lutte, — oh ! ma grand’mère vous fera tous torturer… tous… par Pog, son bourreau… vous verrez… vous verrez…

Clotaire II, se retournant vers le maire du palais de Bourgogne, lui désigna Corbe du geste et lui dit : — Warnachaire, il eût été impolitique de laisser vivre cet enfant haineux et vindicatif ! il serait devenu un homme dangereux, quoique détrôné.

Les deux bourreaux franks eurent facilement raison de Corbe, malgré ses cris et ses soubresauts ; mais comme il s’agitait violemment dans ses liens, l’un des deux tueurs, afin de contenir l’enfant, s’agenouilla sur sa poitrine, tandis que l’autre, enroulant autour de son poignet gauche la longue chevelure du petit prince, attira ainsi fortement la tête à lui, de sorte que le cou très-tendu offrit toute facilité au couteau. Une seconde fois la lame joua, une seconde fois le sang jaillit… et le cadavre de Corbe tomba sur celui de son frère (B). Il restait à égorger le petit Mérovée, toujours assis sur la bruyère ; soit ignorance du danger, soit insouciance du premier âge, lorsqu’il vit le bourreau s’approcher, il se leva, vint à lui d’un air soumis, et voulant parler sans doute de la résistance de Corbe, il dit de sa voix enfantine, en tâchant de contenir ses pleurs : — Mon frère Sigebert ne s’est pas débattu… moi, je serai doux comme Sigebert…

Et l’enfant, renversant sa petite tête blonde en arrière, tendit de lui-même le cou.

Soudain un cavalier couvert de poussière entra en criant d’une voix à demi étouffée par la joie : — Grand roi ! je précède de peu le connétable Herpon ; il ramène la reine Brunehaut prisonnière… Après deux jours de poursuite acharnée, il a pu la joindre à Orbe, au delà des premières montagnes du Jura…

— Oh ! ma mère ! tu vas tressaillir de joie dans ton sépulcre… La voici enfin entre mes mains, cette femme que tu n’as pu frapper ! — s’écria le fils de Frédégonde. Et s’adressant aux bourreaux qui te-