Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/73

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Guerriers, écoutez-moi ! — s’écria Brunehaut. — Je vais mourir… mais je veux…

— Tais toi, démon ! Belzébuth femelle !… — reprit l’évêque de Troyes d’une voix tonnante. Puis il dit tout bas à Clotaire : — Glorieux roi ! faites-la donc bâillonner… Il est temps, plus que temps…

Deux leudes, qui sur le premier ordre de Clotaire s’étaient mis en quête d’une écharpe, la mirent sur la bouche de Brunehaut et la nouèrent derrière sa tête.

— Oh ! monstre sorti de l’enfer ! — lui dit alors l’évêque de Troyes, — si cette glorieuse race de rois franks, à qui le Seigneur a octroyé la possession de la Gaule en récompense de leur foi catholique et de leur soumission à l’Église ; si ces rois avaient commis les crimes dont tu as l’audace de les accuser par tes impostures diaboliques, seraient-ils, comme le prouve le visible appui que Dieu leur prête en terrassant leurs ennemis, seraient-ils les fils chéris de notre sainte Église ? Est-ce que nous, les pères en Christ du peuple des Gaules, nous lui ordonnerions l’obéissance, la résignation devant ses maîtres, s’ils n’étaient pas les élus du Seigneur ? Va, rechercheuse de maléfices ! tu es l’effroi du monde ; il te revomit en enfer d’où tu es sortie. Retournes-y, monstre, qui t’es faite l’entremetteuse de tes petits-enfants pour les énerver. Dites, ô mes frères en Christ ! qui de vous ne frémira d’épouvante à la pensée de ce crime inouï, dont ce monstre, vous l’avez entendu, s’est glorifié ?…

L’évêque toucha le but… Ce crime, le plus exécrable de tous ceux de cette reine infâme, révoltait si profondément la nature humaine, que les âmes les plus grossières s’émurent d’horreur, et un seul cri vengeur sortit de la foule : À mort, le monstre ! qu’il périsse dans les supplices !…




Trois jours se sont passés depuis que Brunehaut est tombée au pouvoir de Clotaire II, le soleil de midi commence à décliner. Un