Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/80

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— Adieu, père en Christ ; je songerai à vos paroles… Je cours voir le chameau.

Loysik quitta la tente du duk, espérant sortir à l’instant du village ; cet espoir fut déçu. En s’éloignant, il se trouva dans une ruelle étroite, séparant deux rangées de huttes, et coupée transversalement par une voie plus large. Loysik se dirigeait de ce côté afin d’aller rejoindre le jeune frère qui gardait sa mule, lorsque soudain les cris qu’il avait déjà plusieurs fois entendus redoublèrent ; presque aussitôt un flot de ce peuple, qui avait suivi Brunehaut pour jouir de la vue de son supplice, faisant irruption par cette rue transversale, vint à l’encontre de Loysik, et, malgré ses efforts, l’entraîna : hommes, femmes, enfants, tous déguenillés, étaient esclaves et de race gauloise ; ils criaient :

— Brunehaut revient du camp ! elle va passer !…

Loysik ne chercha pas à lutter vainement contre cette foule ; bientôt il se trouva porté, malgré lui, presque au premier rang, et fut forcé de s’arrêter aux abords de l’espèce de place, au milieu de laquelle s’élevait la tente de Clotaire II, plusieurs guerriers à pied formant le cordon autour de cette place, empêchaient la foule d’y pénétrer ; voici ce que vit Loysik : En face de lui, une sorte d’avenue assez large et complètement déserte ; à gauche, l’entrée de la tente royale ; devant cette tente, Clotaire II, entouré des seigneurs de sa suite, parmi lesquels se trouvait l’évêque de Troyes. Deux esclaves à pied venaient d’amener sous les yeux du roi un étalon fougueux, ils pouvaient à peine le contenir au moyen de deux longes pesant sur son mors ; il se cabrait violemment, quoique ses deux pieds de derrière fussent entravés : l’œil sanglant, les naseaux fumants, il faisait de tels efforts pour échapper aux esclaves, que sa robe, d’un noir foncé, ruisselait d’écume aux flancs et au poitrail ; il ne portait pas de selle, sa longue crinière, tantôt flottait au vent, désordonnée par les bonds de cet animal furieux, tantôt cachait presque entièrement sa tête farouche. Les esclaves parvinrent cependant à l’amener de-