Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/81

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vant Clotaire II ; il fit un signe, et aussitôt ces malheureux, rampant à genoux, et au risque d’être broyés, passèrent à chacune des jambes de derrière du cheval le nœud coulant d’une longue corde ; puis d’autres esclaves, raidissant ces liens, empêchèrent ainsi les ruades du cheval, que leurs compagnons purent alors délivrer de ses premières entraves. Durant cette périlleuse manœuvre, l’étalon devint si furieux, qu’il se cabra de nouveau avec une force irrésistible, et de ses pieds de devant atteignit la tête de l’un des esclaves ; il tomba sanglant sous les pieds du cheval, qui, s’acharnant alors sur lui, l’écrasa sous ses sabots. Le cadavre fut roulé loin de là ; et deux autres esclaves reçurent l’ordre de se joindre à ceux qui, pour maintenir l’étalon, se cramponnaient de toutes leurs forces à chacune de ses longes. De nouveaux cris, d’abord lointains, puis de plus en plus rapprochés, retentirent. La voie, d’abord déserte, qui aboutissait à la place, en face de Loysik, se remplit d’une foule innombrable de soldats à pied ; bientôt un chameau, dominant de toute l’élévation de sa taille cette multitude armée, apparut aux yeux du vieillard. La troupe de soldats franks poussait des clameurs furieuses.

— Brunehaut ! Brunehaut ! — criaient ces milliers de voix. — Triomphe à Brunehaut !… Bonne reine, regarde donc ton bon peuple de Bourgogne ! Brunehaut ! Brunehaut !…

Quoique mourante, quoique brisée par cette torture de trois jours, la vieille reine, rappelée sans doute à elle par ce redoublement de cris féroces, eut la force de se redresser une dernière fois sur le dos du chameau, où elle avait été mise à cheval et garrottée. À ce moment, elle n’était qu’à quelques pas de Loysik. Ce qu’il vit alors… oh ! ce qu’il vit est sans nom, comme les crimes de Brunehaut… Ses longs cheveux blancs, maculés de sang caillé, couvraient seuls… seuls la nudité de la vieille reine… Ses jambes, ses cuisses, ses bras, ses épaules, son sein, son corps enfin, n’avait plus forme humaine ; ce n’étaient que plaies vives, ou brûlures boursouflées, noirâtres, sanguinolentes ; plusieurs ongles de ses pieds ayant été arra-