Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/90

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rolles s’accomplira en d’autres provinces, le vieux sang gaulois ne restera pas toujours engourdi ; quelque jour nos fils, se comptant enfin, diront à leur tour aux seigneurs et aux évêques, malgré leur puissance : Reconnaissez nos droits et nous reconnaîtrons le pouvoir que vous vous êtes arrogé ; sinon, guerre à outrance, guerre à mort !…

— Et pourtant, Loysik ! — s’écria Ronan, — honte ! iniquité !… reconnaître ce pouvoir maudit, né d’une conquête spoliatrice et sanglante ! le reconnaître, ce droit du vol et du meurtre ! l’oppression de la race gauloise par la race franque !…

— Frère, autant que toi je déplore ces malheurs ; mais que faire ? Hélas ! la conquête et l’Église, sa complice, pèsent sur la Gaule depuis plus d’un siècle, elles y ont déjà poussé de détestables mais profondes racines ; les populations hébétées, énervées par les prêtres, sont accoutumées à respecter ce pouvoir odieux que le temps, l’habitude, la peur, l’ignorance des peuples, ont déjà en partie consacré. Notre descendance aura donc à compter avec ce pouvoir fortifié par les années ; elle devra forcément le reconnaître, tout en revendiquant de lui, par la force s’il le faut, une partie des droits dont nos pères ont été déshérités par la conquête. Mais qu’importe, mes amis ! ce premier pas fait, d’autres suivront d’âge en âge, hélas ! au prix de luttes terribles sans doute ; mais à chacun de ces pas, marqué par son sang, notre race se rapprochera de plus en plus de l’affranchissement… oui, viendra enfin ce beau jour prophétisé par Victoria la Grande, ce beau jour où la Gaule, foulant enfin sous ses pieds la couronne des rois franks et des papes de Rome, se relèvera fière, glorieuse et libre…

La nouvelle du retour de Loysik, volant de bouche en bouche, amena spontanément à la communauté tous les habitants de la vallée. On fêta ce jour avec une joyeuse cordialité ; il assurait de nouveau le repos, les biens, la liberté des moines du monastère et de la colonie de Charolles.