Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 6.djvu/195

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seigneur Neroweg VI, comte de Plouernel, de faire saisir certains serfs qui seront châtiés ou pendus par son prévôt à son gibet seigneurial ; la taille annuelle ne sera en rien diminuée par cette taille extraordinaire de quatre sous de cuivre destinée à réparer les pertes causées à notre dit seigneur par la nouvelle guerre que lui a déclarée son voisin le sire de Castel-Redon (E) ! »

Le baillif étant descendu de cheval pour adresser quelques mots à l’un des hommes de son escorte, plusieurs serfs se dirent tous bas les uns aux autres : — Où est donc Fergan ?… lui seul aurait le courage de remontrer humblement au baillif que nous sommes, hélas ! trop misérables pour pouvoir payer cette nouvelle taxe !

— Fergan sera resté à la carrière d’où il tire des pierres, car malheureusement je ne le vois pas là, — reprit un autre serf ; tandis que le baillif poursuivait ainsi sa lecture : « — Le seigneur Gonthram, fils aîné du très-noble, très-haut et très-puissant Neroweg VI, comte de Plouernel, ayant atteint sa dix-huitième année, et ayant âge de chevalier, il sera payé, selon la coutume de Plouernel, un denier par chacun des serfs et vilains du domaine, en l’honneur et gloire de la chevalerie dudit seigneur Gonthram (F). »

— Encore ! — murmurèrent les serfs avec amertume ; — il est heureux que notre seigneur n’ait pas de fille, nous aurions un jour à payer des tailles en l’honneur de son mariage (G) comme nous en payerons pour la chevalerie des fils de Neroweg VI.

— Payer ? mon Dieu ! mais avec quoi payer ? — reprenait tout bas un autre serf. — Ah ! c’est grand dommage que Fergan ne soit pas là pour réclamer en notre nom... il oserait parler, lui ! et nous n’osons point.

Le baillif, ayant terminé sa lecture, appela un serf nommé Pierre-le-Boiteux (Pierre ne boitait pas ; mais son père, en raison de son infirmité, avait reçu le surnom que son fils gardait). Il s’avança tout tremblant devant Garin-Mange-Vilain. — Voici trois dimanches que tu n’as pas apporté ton pain à cuire au four seigneurial, — dit le