Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 6.djvu/228

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fils de la vieille Gaule, alors affranchie du joug des rois français et de l’église de Rome, fils de Joel redevenus libres, ne laissez pas pierre sur pierre de ces exécrables monuments élevés par nos bras asservis et cimentés de notre sang !




Un étroit escalier, spirale de pierre, conduisait des dernières profondeurs des cachots souterrains jusqu’à la plate-forme qui couronnait le donjon du manoir de Plouernel. Les hommes d’armes les plus hardis, lorsqu’aux heures de guet ils montaient à la plateforme où en descendaient, ne manquaient jamais, ces bons catholiques, de se signer avec crainte en passant devant la porte d’un réduit situé au dernier étage du donjon, et ayant pour annexe l’une des tourelles élevées aux quatre angles de la plate-forme ; car souvent, la nuit, l’étroite fenêtre de cette tourelle semblait intérieurement illuminée de lueurs, tantôt d’un rouge de sang, tantôt verdâtres ; l’on attribuait ces clartés sinistres aux sortilèges d’Azenor-la-Pâle, concubine de Neroweg VI. Ce même jour, à peu près à la même heure où les voyageurs, parmi lesquels se trouvaient Bezenecq-le-Riche et sa fille Isoline, s’étaient, après longue discussion, décidés à traverser les terres du seigneur de Plouernel, Azenor-la-Pâle, renfermée dans son réduit éclairé par une seule fenêtre à linteaux de pierres, garnie de petits vitraux enchâssés dans des nervures de plomb, se livrait à ses sortilèges. Neroweg VI avait accumulé dans la chambre de sa maîtresse les objets les plus précieux larronnés aux voyageurs par sa bande et par lui, ou pillés dans les châteaux, lors de ses guerres privées contre les seigneurs voisins ; l’on voyait encore, dans l’officine de la sorcière, de splendides ornements d’église, aussi volés par le comte de Plouernel lors de ses expéditions contre l’évêque de Nantes. Une baie, masquée par un rideau de pourpre frangé d’or, arraché à quelque dais splendide, donnait entrée dans une tourelle dont la partie supérieure, plafonnée au niveau de la plate-forme,