Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 6.djvu/264

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— Yéronimo, ne crains-tu pas que la seigneurie étant ainsi dépouillée, ruinée, amoindrie, la royauté, aujourd’hui sans puissance, se relève... et fondant son pouvoir sur la ruine de ses grands vassaux, ne veuille partager avec nous la domination des peuples ?

— Si la royauté nous gêne ou nous menace, nous attaquerons les rois ; l’Église les tolère lorsqu’ils la servent, mais d’instinct elle ne les aime point ; les rois sont nos rivaux ; un jour ou l’autre le trône peut jeter son ombre sur l’autel ; ce jour venu, nous démolirons les trônes ; les peuples ne doivent obéir qu’à un maître et trembler devant lui ; ce maître unique, c’est le pape, l’infaillible représentant de Dieu ici-bas, le seul dispensateur de ses récompenses ou de ses châtiments éternels, par l’entremise de nous autres prêtres !

— Ah ! Yéronimo, Yéronimo ! l’avenir de l’Église catholique m’apparaît dans sa formidable majesté ; tu me fais maintenant regretter la vie.

— Je te l’ai dit, cet entretien a trait à notre position actuelle de prisonniers de ce bandit de Neroweg VI...

— Voilà ce que je ne peux comprendre.

— D’après ce que tu m’as appris du seigneur de Plouernel, il doit être l’un de ces farouches ennuyés qui mordront à pleine mâchoire l’éblouissant hameçon des merveilles de l’Orient ?

— Je le crois.

— Il va te faire mettre à la torture pour t’extorquer la donation des terres de ton diocèse, que depuis longtemps il convoite ; préviens la torture ; accorde tout, absolument tout ; demain sans doute Pierre l’Ermite et Gauthier-sans-Avoir seront partis d’Angers pour venir en ce pays prêcher la croisade ; Neroweg VI partira, ta donation sera nulle.

— Mais s’il ne part pas ? mais si, non content de la donation, il veut me faire mourir dans les supplices pour assouvir sa haine contre moi ?

L’entretien de l’évêque de Nantes et du légat du pape de Rome fut