Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 6.djvu/39

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jeune guerrière avait été adoptée par Rolf, vieux chef de pirates north-mans, célèbre par ses nombreuses excursions en Gaule ; en moins de quinze jours, il était venu cette année-ci des mers du Nord à l’embouchure de la Seine, et la remontait pour venir assiéger Paris à la tête de deux mille bateaux de guerre, qui s’avançaient lentement à la rame, faute de vent, précédés des holkers de Gaëlo et de Shigne ; ceux-ci devançaient la flotte d’une lieue environ, par suite d’un défi.

— Les bras de mes vierges sont plus robustes que les bras de tes Champions, — avait dit la belle Shigne à Gaëlo. — Je défie ton holker d’égaler la vitesse du mien : les bras de tes hommes seront lassés avant que mes compagnes aient ralenti le mouvement de leurs rames.

— Shigne, j’accepte le défi ; mais si l’épreuve tourne contre toi, mon holker combattra bord à bord du tien pendant cette guerre ?

— Tu espères donc mon secours si tu es en péril ? — avait répondu Shigne avec un sourire de raillerie fière, en ordonnant d’un geste à ses guerrières de ramer vigoureusement. Gaëlo ayant donné le même ordre à ses hommes, les deux holkers s’étaient rapidement éloignés de la flotte des North-mans, cherchant à se dépasser l’un l’autre. Pendant longtemps les vierges-aux-boucliers eurent l’avantage ; mais grâce à leurs efforts redoublés, les champions de Gaëlo (ainsi que les chefs north-mans appellent leurs hommes) regagnèrent la distance perdue. Le soleil disparaissait derrière la cime boisée de l’une des îles de la Seine, au moment où les deux bateaux marchaient d’une vitesse égale.

— Shigne, le soleil est couché, — dit le jeune pirate ; nos bateaux sont bord à bord et les bras de mes champions ne sont pas lassés ?

— Leur vigueur est grande, puisqu’ils ont tenu contre mes compagnes, — répondit l’héroïne avec son ironique et fier sourire.

— Veux-tu glorifier mes hommes ? ou les railler ?

— Si nous n’avions à batailler contre les Franks, je te dirais :