Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 6.djvu/40

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Abordons dans une de ces îles et combattons sept contre sept… tu verrais alors si mes vierges valent tes champions.

— Faut-il donc te vaincre pour te plaire ?

— Je l’ignore… jamais je n’ai été vaincue. Orwarodd m’a demandée en mariage au vieux Rolf, notre chef ; Rolf lui a répondu : — « Je te donne Shigne si tu peux la prendre ; elle sera demain dans l’île de Garin, seule et armée… viens-y. » — Orwarodd est venu. Nous nous sommes battus ; il m’a percé le bras d’un coup d’épée ; moi, je l’ai tué… Plus tard, Olaff a aussi voulu m’épouser ; mais il m’a dit lâchement au moment du combat : « Femme, je n’ai pas le courage de lever mon épée sur toi. »

— Shigne, sois juste… les sagas ont chanté les prouesses d’Olaff, brave entre les plus braves. S’il ne combattait pas contre toi, c’était non par lâcheté, mais par amour.

La guerrière sourit dédaigneusement et reprit : — J’ai, de la pointe de mon épée, balafré Olaff au visage… Il méritait mon mépris !

— Ah ! ton cœur est plus froid que la glace des lacs de ton pays ! Mais, non, tu repousses mon amour parce que je suis de race gauloise !

— Peu m’importe ta race ! Olaff et Orwarodd étaient nés comme moi dans une île du Danemark ; ils n’ont pu me vaincre : j’ai tué l’un, j’ai balafré l’autre par dédain.

— Promets-moi du moins que tu ne seras la femme de personne.

— Facile promesse… Où trouver un guerrier assez vaillant pour me vaincre ?

— Si tu étais vaincue, toi, si fière, si farouche, tu haïrais ton vainqueur.

— Non ! j’admirerais son courage !

— Shigne, tu l’as dit : nous ne pouvons maintenant nous battre l’un contre l’autre, sinon tu me tuerais ou tu deviendrais ma femme, dût mon épée se teindre de ton sang ! Mais puisque le combat nous