Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 6.djvu/82

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d’un air désespéré, son père et sa sœur évanouie : — Qui es-tu ? d’où viens-tu ?

— C’est mon fils, — répondit Eidiol d’une voix sourde ; — il est, comme moi, nautonnier de Paris.

— Et aussi vrai que je manie une rame depuis mon enfance,— s’écria Rustique, — puisque toi et tes hommes, Rolf, vous nous traitez ainsi, nous pauvres gens, notre corporation de mariniers soulèvera les autres corporations de Paris contre vous, et vous verrez, comme en 885, ce que peut le peuple de Paris quand il veut se défendre !

Rolf accueillit cette menace avec un grand éclat de rire, et se balançant sur ses jambes alourdies, il répondit d’une voix entrecoupée de hoquets : — Toi, tu m’as offert en mariage la fille de Karl-le-Sot... cela te mérite mon indulgence... je te pardonne ; oui ; et de plus, pour fêter mes royales fiançailles, je pardonne aussi à tes compagnons parisiens, mais je garde la fille qui me paraît jolie, — ajouta Rolf en abaissant son regard sur Anne-la-Douce, déposée à ses pieds et pâle, inanimée, — elle partagera mon amour avec la nonne et la serve, en attendant que j’épouse Ghisèle, la fille de Karl-le-Sot ; maintenant, Parisiens, retournez à Paris, vous êtes libres ; je défends à mes champions de vous faire le moindre mal. Oh, oh... la tête me tourne, je vais me coucher dans le lit de l’abbé.

— Rolf, écoute-moi, — s’écria Eidiol d’une voix suppliante, — rends-moi ma fille, laisse-nous emporter dans notre barque le corps de ma femme !

— Mes champions ! — reprit Rolf en se dirigeant tout trébuchant vers le lit, — jetez ces chiens à la porte de l’abbaye, et qu’ils se hâtent d’aller dire à Karl-le-Sot que... je veux... épouser sa fille Ghisèle. — Et Rolf se laissa tomber sur la couche moelleuse de l’abbé.

— Oui ! oui ! tu épouseras la princesse, — s’écrièrent les pirates très-joyeux de la plaisanterie de leur chef, puis entraînant les nautonniers parisiens, malgré leur résistance désespérée, ils les mirent hors