Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 6.djvu/91

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ici un peu de feu, je ferais rougir la pointe de mon épée et je cicatriserais la plaie en un instant.

Quelques moments après ce court abordage, les grappins du bateau parisien étaient levés, Anne-la-Douce passant du Holker de la belle Shigne dans la barque d’Eidiol, lui racontait ainsi qu’à Guyrion et à Rustique, comment reprenant ses esprits, au milieu des pirates qui l’avaient conduite près de Rolf, et voyant entrer la guerrière, elle s’était jetée à ses pieds, la suppliant de la protéger ; comment Shigne, touchée de compassion, obtint de Rolf la liberté de la jeune fille, et la conduisit à son Holker, où elle était restée jusqu’au moment de sa rencontre inespérée avec son père. À son tour, celui-ci apprit à Anne que, désespéré de la voir prisonnière des North-mans, et sachant qu’ils envoyaient souvent quelques bâtiments légers en avant de leur flotte, il s’était embusqué derrière les palées du port de la Grève, dans l’espoir d’exterminer les pirates pour venger la mort de Marthe et prendre leur chef vivant, afin d’obtenir par échange la liberté d’Anne-la-Douce. Les deux Holkers et le bateau parisien débarquèrent leurs passagers sur le rivage, à quelque distance des remparts ; les North-mans devaient attendre le retour de Shigne et de Gaëlo, chargés de porter au Comte de Paris les volontés de Rolf. Au moment de quitter le bord de la rivière pour se diriger vers la cité, dans laquelle l’on ne pouvait entrer que par l’un des deux ponts défendus par des tours, Eidiol dit au pirate : — Crois-moi, toi et ta compagne, afin d’arriver plus sûrement jusqu’au palais du Comte de Paris, endossez par-dessus vos armures, la casaque à capuchon de deux de nos mariniers ; votre qualité de messagers de Rolf ne serait pas respectée par les guerriers du Comte ! Vous êtes braves, mais à quoi bon la bravoure lorsqu’on est deux contre cent ? Je vous guiderai jusqu’au palais ; là, vous demanderez l’un des officiers de Roth-bert, et vous pourrez accomplir votre mission.

— J’accepte ton offre, — répondit Gaëlo, après avoir échangé à voix basse quelques mots avec Shigne. — J’ai grandement à cœur de