Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 7.djvu/107

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Dieu ! il me semble que lorsque je vais entendre sonner pour la première fois notre beffroi communal, chaque coup de cloche me fera bondir le cœur !

Ces propos et tant d’autres, naïfs témoignages de l’allégresse des habitants de Laon, s’échangeaient dans toutes les rues, de maison à maison, des plus humbles aux plus riches. Presque toutes les fenêtres ouvertes dès l’aurore laissaient ainsi voir de riantes figures d’hommes, de femmes et d’enfants, activement occupés des préparatifs de la fête ; cette joyeuse animation, presque universelle dans chaque quartier de la ville, rendait plus remarquable encore l’aspect morne, sombre, et pour ainsi dire, renfrogné, d’un certain nombre de demeures d’une construction déjà fort ancienne, et dont la porte était généralement flanquée de deux tourelles à toit aigu surmonté d’une girouette. Aucune croisée de ces maisons noirâtres de vétusté ne s’ouvrit en cette matinée ; elles appartenaient à des prêtres dignitaires de l’Église métropolitaine ou à de nobles chevaliers, qui, ne possédant pas d’assez grands domaines pour vivre à la campagne selon leurs goûts, habitaient les villes et, en toutes circonstances, prenaient contre les bourgeois, le parti du seigneur laïque ou ecclésiastique ; aussi, à Laon, désigne-t-on ces prêtres et ces chevaliers sous le nom : d’Épiscopaux, tandis que les habitants qui, selon le langage de ces temps-ci, ont juré la commune, s’appellent : Communiers. Les antiques tourelles des maisons des épiscopaux étaient à la fois une fortification et un symbole de la noblesse de leur origine. Aujourd’hui la nation ne se distingue plus guère en Francs et en Gaulois, mais en nobles et en roturiers ; la noblesse commence à la chevalerie, et finit à la royauté ; la roture embrasse toutes les conditions laborieuses, utiles, depuis le serf jusqu’au riche marchand ; mais, si l’on ne dit plus : Francs et Gaulois, conquérants et conquis ; le nom seul des conditions a changé, le roi et sa noblesse, descendants, héritiers ou représentants des Francs, continuent de traiter la roture gauloise en peuple vaincu. Aussi, même au sein des villes, les demeures des nobles affectent