Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 7.djvu/117

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— Fort cher, — reprit Fergan ; — ce gros roi a lésiné, liardé deux jours durant. Notre ami, Robert-le-Mangeur, était l’un des communiers envoyés à Paris, il y a trois ans, pour obtenir la confirmation de notre Charte. Quel coupe-gorge, que la cour ! D’abord il a fallu donner beaucoup d’argent aux conseillers royaux pour les disposer en notre faveur ; puis Louis-le-Gros a voulu que la somme proposée fût augmentée d’un quart, puis d’un tiers ; enfin, en outre du rachat de ses anciens droits d’ost et de chevauchée, pour lui et pour son armée, s’il venait dans la cité de Laon, il a exigé qu’on lui assurât trois gîtes par an, et, s’il n’en usait, ce droit de gîte devait être remplacé par vingt livres pesant d’argent par chaque année, demandant en outre le paiement de trois années d’avance. Avouez, mes enfants, que c’est vendre un peu cher l’abandon de ces droits Régaliens, comme ils disent, droits monstrueux, nés des iniques et sanglantes violences de la conquête.

— Il est vrai, mon père, — reprit Colombaïk ; — aussi ce roi et ces seigneurs, nous vendant à prix d’argent ce qu’ils appellent : leurs droits ; agissent comme des larrons de grand chemin, qui, vous mettant le poignard sur la gorge, vous diraient : — Je t’ai volé hier : donne-moi ta bourse, et je ne te volerai pas demain.

— Mieux vaut encore donner son argent que son sang, — dit Jehanne. — À force de labeurs, de privations, on regagne de l’argent, et l’on est du moins délivré de cet affreux servage, auquel je ne puis songer sans frémir.

— Et puis enfin, mon père, — reprit Martine, — il me semble que nous devons d’autant moins craindre le retour de la tyrannie des seigneurs, que le roi les hait autant que nous et les combat à outrance ; chaque jour on entend parler de ses nouvelles guerres contre eux.

— Et de ces guerres, mes enfants, qui a le profit ? le roi ; et en raison du ravage dont elles sont accompagnées, qui en paie les frais ? le peuple… Oui, le roi hait les seigneuries, parce que, de siècle